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expliqué dans cet article, je lui fis considérer que toutes les récompenses au-dessous des officiers généraux n’étoient que pour l’infanterie qui est le nerf de l’État, et ne devoient aussi aller qu’à elle, parce que la cavalerie n’entend point les places ; qu’en même temps la cavalerie étoit aussi trop maltraitée depuis que les extrêmes besoins avoient engagé à retrancher les bons quartiers d’hiver et mille autres revenants-bons qui n’étoient pas de règle, mais sur lesquels M. de Louvois, et son fils après lui, fermoient les yeux pour un bien-être nécessaire à entretenir de belle cavalerie, et à suppléer aux récompenses dont les officiers sont privés en se retirant presque tous, parce qu’elles ne consistent qu’en pensions rares et modiques, et que ce moyen n’étoit pas onéreux, comme eût été d’en augmenter le pied. Ainsi je proposai à M. le duc d’Orléans de se faire une règle inaltérable de borner les officiers d’infanterie aux états-majors que les officiers supérieurs ne leur embleroient plus, et à la plus modique portion qu’il se pourroit de grâces sur l’ordre de Saint-Louis, d’en affecter toutes les autres à la cavalerie et aux dragons, et toutes les pensions de retraite que le roi se trouveroit en état de donner, sans plus aucune à l’infanterie, au moyen de quoi il empêcheroit par cette étoffe et par cette espérance la tête de ces régiments de quitter par ennui, par dégoût, par craindre d’achever de se ruiner, inconvénient qui renouvelle sans cesse ces corps, et qui les dépouille d’officiers expérimentés et capables.

En même temps je le pressai de songer, autant que les finances le pourroient porter, au rétablissement de la marine, d’où dépend en un royaume flanqué des deux mers toute la sûreté et la prospérité de son commerce et de ses colonies, qui est la source de l’abondance ; objet dont la nécessité et l’importance augmente à mesure que la longue paix intérieure de l’Angleterre, paix inouïe jusqu’ici depuis la durée de cette monarchie, l’a mise en état de couvrir toutes les mers de ses vaisseaux, et d’y donner la loi à