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aux chimères, croyoit reculer quand il n’avançoit pas. Ses diverses tentatives déplurent. Il prétendit, au mariage de Mme la Duchesse, manger avec le roi à la noce ; il y échoua avec l’indignation du roi qui le chassa, et qui bientôt après l’empêcha publiquement d’être élu évêque de Liège. Il se raccrocha, se remit mieux que jamais, et fut souvent chargé des affaires du roi à Rome, et de son secret aux conclaves. On a vu les liaisons qui le firent retourner à Rome en 1697, et obtenir en même temps la coadjutorerie de Cluny pour son neveu l’abbé d’Auvergne. On a vu la hardiesse et la duplicité avec laquelle il trompa le pape et le roi, pour faire ce même neveu cardinal, et combien sa plus que fourberie fut reconnue à Versailles et au Vatican. On a vu le personnage qu’il fit dans l’affaire et dans la condamnation du livre de Fénelon, archevêque de Cambrai, ce qui commença sa disgrâce ; et la fureur avec laquelle il se conduisit sur la coadjutorerie de Strasbourg en 1700, qui la combla. La désobéissance formelle à ses rappels réitérés en France lui coûta sa charge, dont il fut privé, et la saisie de tous ses revenus. Il voulut être doyen du sacré collège. Il subit, après y être parvenu, son exil à Cluny, à la fin de 1700. Pendant dix ans., il n’est souplesse ni bassesse qu’il ne tentât, comme on l’a vu, ni misère d’orgueil qu’il ne montrât sans cesse. Il s’occupa à lutter contre les moines de Cluny. Il y essuya les plus grands dégoûts et quelquefois les affronts. Le désespoir qu’il conçut d’une situation si différente de celle qui avoit achevé de le gâter et de le perdre lui fit prendre le parti de l’évasion, et enfanta cette lettre également folle, ingrate, insolente et criminelle, qu’il écrivit au roi. La mort de son neveu, déserteur en Hollande, le dégoût de ses hauteurs, l’orgueilleux dérangement de ses manières, tournèrent bientôt en mépris le grand accueil qu’il avoit reçu aux Pays-Bas. Son procédé avec la duchesse d’Aremberg, et l’indigne mariage de sa fille, veuve de son neveu, qu’il fit pour devenir maître des biens des enfants qu’il avoit laissés,