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Rien de si indécent que la manière dont ces lieutenances générales et de roi des provinces se trouvoient remplies. Les premières étoient devenues le patrimoine des possesseurs ; c’étoient souvent des enfants, presque toujours des personnes aussi ineptes. Les autres héréditaires par l’édit assez nouveau de leur création n’étoient presque remplies que de gens qui n’étoient pas ou bien à peine gentilshommes, et qui pour leur argent avoient couru après ce petit titre pour se recrépir. Rembourser les uns et les autres, c’étoit ôter des images la plupart ridicules, pour leur substituer mérite, valeur, âge, maintien, usage de commander, en même temps se dévouer tout le militaire par une telle et si nombreuse destination de récompenses. Le moyen étoit par une taxe sourde aux gens d’affaires. L’expérience doit avoir dégoûté des chambres de justice. L’argent et la protection y sauvent tous les gros richards qui ne se sont pas rendus absolument odieux, et de ceux-là encore il s’en tire beaucoup d’affaire. On les vexe pour enrichir le protecteur ; les alliances que la misère des gens de qualité leur a fait faire avec eux en délivrent encore un grand nombre ; les médiocres financiers ont aussi leurs ressources pour échapper ; les taxes, faites pour la forme, obtiennent des remises et des modérations ; en un mot beaucoup de bruit qui perd le crédit dont on a besoin tant que la finance demeure sur le pied où elle est ; grands frais que le roi paye ; force grâces à droite et à gauche aux dépens des malheureux ; au bout nul profit pour le roi, ou si mince qu’on est honteux de l’avouer. Au lieu d’une si ruineuse méthode, parler à l’oreille à ces gens-là, leur dire qu’on ne veut ni les décréditer, ni les tourmenter, ni mettre leurs affaires au jour, mais qu’on n’est pas aveugle aussi sur leurs gains excessifs, qu’il est raisonnable qu’ils en aident le roi, et qu’ils ne se commettent pas à un traitement rigoureux, au lieu du gré qu’ils acquerront à faire les choses de bonne grâce, et se prépareront les voies à remplir une partie du vide qu’ils