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liaisons de cour, qui vouloit le bâton de maréchal de France qu’il avoit bien mérité, et qui lui viendroit bien plus naturellement par le régent que par des troubles ; ainsi des vues et de la situation des autres principaux des frontières. Il ne restoit donc qu’à avoir du courage, de la suite, du sang-froid, un air de sécurité, de bonté, mais de fermeté, et à marcher tranquille et tête levée aussitôt que la mort du roi ouvriroit cette grande scène.

Je m’aperçus aisément que M. le duc d’Orléans étoit peiné de trouver tant d’évidence aux raisons dont j’appuyois la proposition que je lui faisois de se passer du parlement pour sa régence. Il m’interrompit souvent dans les diverses conversations qui roulèrent là-dessus ; il avouoit que j’avois raison, mais il ne pouvoit ni contester mon avis ni s’y rendre, quoiqu’il ne le rejetât pas. Il falloit, pour l’embrasser utilement, plus de nerf, de résolution et de suite que la nature n’en avoit mis en lui, plus savoir payer d’autorité, de droit, d’assurance par soi-même et sur le pré, et vis-à-vis des gens et sans secours d’autrui, qu’il n’étoit en lui de le faire. Je me contentai de lui inculquer ce que je pensois, et les raisons de se conduire comme je le pensois, à diverses reprises, sans le presser au delà de ce qu’il en pouvoit porter. Sa défiance, qui n’avoit point de bornes, m’arrêta dans celles-ci. Je crus voir qu’elle venoit au secours de sa faiblesse, et que, pour se la cacher à lui-même, il se persuada que je voulois me servir de lui en haine du parlement, par rapport à l’affaire du bonnet, et revendiquer le droit des pairs par rapport à la régence sur l’usurpation moderne du parlement. L’expérience de ce qui s’y passa sur sa régence le fit repentir de ses soupçons, et de s’être laissé entraîner à des gens peu fidèles que sa faiblesse favorisa, et qui le jetèrent dans le dernier péril de se perdre avant de commencer d’être, comme on le verra en son lieu. Ces gens étoient Maisons, Effiat, deux scélérats dévoués au duc du Maine et au parlement ; Canillac, gouverné par l’encens de Maisons,