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été suivi en toutes les majorités depuis. Le parlement de Paris jeta les hauts cris, députa vers le roi et la reine, prétendit qu’un tel acte ne pouvoit être fait dans un autre parlement. On se moqua d’eux. La reine leur répondit que la cour des pairs n’étoit aucun parlement, mais le lieu tel qu’il fût où le roi se trouvoit, et où il lui plaisoit d’assembler les pairs. La maxime est si vraie que, sans la circonstance de ces temps si difficiles, où la reine avoit besoin de tout, elle n’avoit que faire du parlement de Rouen pour une interprétation de la loi de Charles V, sur laquelle ce parlement ne put opiner que par la présence des pairs, comme il a été expliqué, lesquels seuls la pouvoient faire avec les officiers de la couronne ; mais comme il falloit en même temps déclarer le roi majeur qui est la simple cérémonie qui a été expliquée, qui ne se pouvoit faire qu’au parlement de Rouen, puisque le roi étoit en cette ville, ce fut un véhicule pour y faire le tout ensemble. Le parlement de Paris se plaignit longtemps, sans pouvoir alléguer aucune raison, et il se tut enfin, quand il fut las de se plaindre, sans avoir reçu le moindre compliment.

Fondé sur des vérités si certaines et de si solides raisons, je proposai à M. le duc d’Orléans d’assembler tous les pairs et les officiers de la couronne, aussitôt que le roi seroit mort, dans une des pièces de l’appartement de Sa Majesté en rang et en séance, avec M. le Duc, le seul des princes du sang en âge, le duc du Maine et le comte de Toulouse. Que là tous assis et couverts seuls, dans la pièce, avec les trois secrétaires d’État au bas bout et derrière la séance vis-à-vis de lui, ayant une table garnie devant eux, car le chancelier étoit le quatrième, Son Altesse Royale fit un court discours de louange et de regrets du roi, de la nécessité urgente d’une administration, de son droit à la régence qui ne pouvoit être contesté, du soin qu’il auroit d’éclairer ses bonnes intentions par leurs lumières ; et subitement les regarder tous en leur disant avec un air de confiance,