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le chemin. Dès l’après-dînée, car le roi mourut dans la fin de la matinée, on pratiqua le parlement, on le brigua toute la nuit, et le lendemain matin, la reine accompagnée de Monsieur et de M. le Prince, des pairs et des officiers de la couronne, vint de Saint-Germain droit au parlement. Ils y déclarèrent la cession qu’ils faisoient à la reine de l’autorité qu’ils avoient reçue de la disposition du feu roi, pour la lui laisser à elle seule tout entière ; que le conseil nommé par le feu roi en faisoit de même ; et la régence fut ainsi faite et déclarée au parlement, à ces conditions, dont la France ne s’est pas mieux trouvée, et qui se sentira peut-être encore longues et cruelles années des pestifères maximes et de l’odieux gouvernement du cardinal Mazarin.

Deux reines étrangères d’inclination, et de principes fort éloignées des maximes françaises pour le gouvernement de l’État et des vues si saines des rois leurs maris, dont elles ne regardèrent la perte que par le seul objet de leur grandeur personnelle, dont elles étoient de longue main tout occupées, que la dernière à la vérité n’a due au moins qu’à la nature, Marie dominée par Conchine [1] et sa femme, Anne par Mazarin, Italiens de la dernière bassesse, et qui ignoroient jusqu’à notre langue, qui ne soupiroient qu’après le timon de l’État dont ils se saisirent tout aussitôt, et à qui il n’importoit comment ni à quel titre, il n’est pas surprenant que méprisant ce qu’ils ignoroient, c’est-à-dire toutes les formes, les usages, les règles, les droits, ils se soient jetés à corps perdu avec leur reine, à ce qui leur sembla assurer davantage l’autorité qui alloit faire le fondement certain de la toute-puissance qu’ils s’étoient bien promis de saisir, surtout avec les raisons qu’on a vues dans la première de s’assurer du parlement, et dans l’autre de le ménager.

M. le duc d’Orléans ne se trouvoit pas en ces termes. Rien

  1. Concini, plus connu sous le nom de maréchal d’Ancre.