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d’une ambition démesurée et toute-puissante, autre chose d’entrer en concurrence avec ce colosse sur des dispositions du roi en sa faveur à la diminution de l’autorité d’un régent ; qu’indépendamment d’équité, le parlement est toujours porté à se croire et à faire, autant qu’il en trouve les occasions, le modérateur de la puissance, puisqu’il a si souvent tenté de le faire sentir même aux rois, à plus forte raison dans une entrée de régence, temps de faiblesse dont ce corps a toujours su se prévaloir ; que le même amour-propre qui le flatteroit d’avoir à prononcer sur le renversement du colosse, si la cause lui en étoit déférée, et lui feroit goûter la justice et les raisons d’user du pouvoir de le renverser, ce même amour-propre trouvera sa satisfaction à prononcer entre le régent et ce colosse ; et comme il ne s’agira pas alors de le détruire, le même amour-propre le portera à le favoriser sous différents prétextes pour faire naître une suite de divisions dont il espérera se mêler et en profiter, et pour avoir un puissant soutien de sa considération et de son autorité qui, en minorité, a si souvent entrepris sur l’autorité royale qui est celle dont le régent est revêtu et qu’il ne doit pas laisser entamer. De ce raisonnement, qui n’a rien de contraire à la disposition du parlement contre les bâtards et leurs grandeurs, où il ne s’agit pas ici de les remettre dans les bornes, il sera aisé aux manèges du duc du Maine et de Mesmes de le tourner favorablement aux prétentions du duc du Maine. Ainsi lutte indécente et inégale et publique ; et si elle bâte mal suivant ces apparences, quels embarras et peut-être quels désordres ! Certainement, quel lustre et quel degré de continuelles entreprises du parlement, qui se voudra mêler de tout avec autorité ! Quel triomphe et quelle dangereuse victoire du duc du Maine ! quelle honte pour le régent ! et quelle situation pendant tout le cours de la régence ! On tremble donc avec raison en pensant jusqu’où tout cela peut porter.

Je proposai donc à M. le duc d’Orléans de ne s’y pas