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sans peine et en peu de temps, assez pour compter qu’entre leurs mains il est devenu leur ouvrage, ce qu’il est très important qu’ils se persuadent bien. Il y a toujours dans ces nombreuses assemblées des chefs effectifs à divers étages qui, sans en avoir le nom ni le caractère, en ont la confiance et l’autorité par l’estime, par l’adresse, par une mode que le hasard établit, et que la conduite soutient jusqu’à les rendre presque maîtres de tourner les esprits et les délibérations où ils veulent. C’est ceux-là qu’il faut de bonne heure reconnoître et persuader, pour avoir par eux toute l’assemblée, et certes on n’eut jamais plus beau jeu qu’à mettre de telles vérités en évidence, et à toucher les hommes par ce qui est tout à la fois le plus intéressant par toutes les parties les plus sensibles, le plus important et le plus raisonnable par tout ce qu’il s’y peut faire de sages réflexions, de plus odieux et de plus périlleux en soi et par ses suites, enfin de plus juste, de plus nécessaire, de plus instant, de plus essentiel à arrêter pour jamais par une punition qui, proportionnée aux attentats, mette pour jamais à l’abri de Titans et d’usurpateurs possibles la nation, la couronne, et l’unique maison qui, tant qu’elle dure, y a un droit unique et exclusif acquis, qui assure à jamais le repos et la tranquillité publique à cet égard, et la prééminence si distinctive de cette maison sur toutes les autres maisons du monde.

On ne peut donc donner trop d’adresse, de délicatesse et de soins pour dignement et nerveusement dresser ce canevas, le faire promptement tourner et adopter par les états en requête, la leur rendre leur et comme le chef-d’œuvre de leur sagesse et de leur poids, surtout la leur montrer sans danger, par l’impuissance de ceux qu’elle regarde contre une multitude qui représente le corps de la nation. Ne point laisser d’intervalle entre l’adoption de la requête et sa présentation, pour éviter les mouvements et les artifices du duc du Maine, en quoi il s’est montré si grand maître ; et par les