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pour s’assimiler en tout aux princes du sang, jusqu’au monstre incroyable de se rendre comme eux habiles à succéder à la couronne. Exciter les uns par le renversement des familles, et la tentation de devenir mères de semblables géants, les autres par les motifs de la religion, ceux-ci par le mépris et l’anéantissement de toutes les lois, ceux-là par celui de tout ordre, tous par l’exemple qui seroit suivi des rois successeurs, dont naîtroit une postérité qui envahiroit tout, et ne laisseroit rien aux vrais princes du sang, dont ils craindroient et haïraient la naissance, et au-dessous d’eux tout ordre légitime et légal. Surtout leur exposer bien clairement jusqu’où entraîne l’ambition de régner avec un droit tel qu’il puisse être ; que tout ce que ces bâtards ont obtenu, surtout les rangs et droits de princes du sang et d’habilité à la couronne, est l’ouvrage du seul duc du Maine ; les propos de la duchesse du Maine aux ducs de La Force et d’Aumont à Sceaux ; la facilité à tout que leur donnent leurs établissements ; enfin combien moins de distance entre eux et la couronne aujourd’hui qu’à être parvenus à y être déclarés habiles ; et que le motif exprimé et enregistré de ces derniers degrés de rang d’état de princes du sang, d’habilité à succéder à la couronne, est l’honneur qu’ils ont d’être fils et petits-fils du roi. Conduire les états à en conclure que l’adultère étant par là tacitement mis au niveau du mariage par cette énorme expression de l’honneur qu’ils ont d’être fils et petits-fils du roi, il n’y a plus qu’un pas à faire, et dont tout le chemin se trouve frayé, pour les déclarer fils de France, ce qu’on auroit peut-être vu si le roi eût vécu quelque peu davantage, et à quoi même il y a toute apparence, au degré de puissance où le roi s’étoit mis, à l’état de disgrâce où l’art préparatoire avoit réduit M. le duc d’Orléans, à l’enfance de tous les princes du sang, à l’anéantissement et à l’impuissance de tous les ordres du royaume, à l’ambition démesurée du duc du Maine, et à son pouvoir sans bornes sur la faiblesse du roi à son égard.