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particuliers. Cette vue de liberté, d’impôts médiocres, et encore aux choix des états, en connoissance de cause par l’expérience de leurs effets, l’aise de se voir au courant leur fera voir une nouvelle terre et de nouveaux cieux, et ne les laissera pas balancer entre leur propre bonheur et le malheur des créanciers. Les rentes sur l’hôtel de ville, où beaucoup de députés se pourront trouver intéressés, auront peut-être quelque exception par cet intérêt ; peut-être encore le comparant avec celui d’abroger un plus grand nombre d’impôts, la modification seroit-elle légère, ou même n’y en auroit-il point, et c’est à la banqueroute, si flatteuse par elle-même pour le gros, qu’il faudroit tourner les états avec adresse. J’ajoutai que ce seroit perdre presque tout le fruit que M. le duc d’Orléans recueilleroit de tout ce qui vient d’être dit, s’il ne se faisoit pas une loi, qu’aucune considération ne pût entamer dans la suite, de se conformer inviolablement au choix du remède porté par l’avis formé par les états. Y manquer, ce seroit se déshonorer par la plus publique et la plus solennelle de toutes les tromperies, tourner l’amour et la confiance de la nation en haine et en désir de vengeance, je ne craignis pas d’ajouter, s’exposer à une révolution, sans être plaint ni secouru de personne, et donner beau jeu aux étrangers d’en profiter, et à l’Espagne de le perdre.

À l’égard du jeune roi, je priai M. le duc d’Orléans de considérer qu’il n’y avoit rien dans toute cette conduite qui en aucun temps lui pût être rendu suspect avec la plus légère apparence, et dont il ne fût en état de lui rendre le compte le plus exact. Son Altesse Royale trouve en arrivant à la régence les finances dans un désordre et dans un état désespéré, les peuples au delà des derniers abois, le commerce ruiné, toute confiance perdue, nul remède que les plus cruels. Il n’accuse personne, personne aussi n’est accusé, mais lui, qui n’a jamais eu la moindre part aux affaires, a raison de n’y vouloir pas toucher du bout du doigt sans