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de la nation, et de l’avoir liée par son acclamation, à l’exclusion de la branche d’Espagne de la succession à la couronne, par les liens les plus sûrs, les plus forts et les plus durables, quelle force d’autorité et de puissance cette union si éclatante et si prompte du corps de la nation avec M. le duc d’Orléans, à l’entrée de sa régence, ne lui donne-t-elle pas au dedans, pour contenir princes du sang, grands corps, et quelle utile réputation au dehors pour arrêter les puissances qui pourroient être tentées de profiter de la faiblesse d’une longue minorité, et quel contre-coup sur ses ennemis domestiques, et sur l’Espagne même, dont l’appui et les liaisons n’auroient plus d’objet pour elle, ni de prétexte et d’assurance pour eux !

Une réflexion naturelle découvre que les états généraux sont presque tous composés de gens de province des trois ordres, surtout du premier et du dernier ; que presque tous ceux, corps et particuliers, sur qui porte cet immense faix de dettes du roi sont de Paris ; que la noblesse des provinces, quoique tombée par sa pauvreté dans les mésalliances, n’en a point ou presque point fait hors de son pays, et ne tient point aux créanciers du roi, qui sont tous des financiers établis à Paris, et des corps de roturiers richards de la même ville, comme secrétaires du roi, trésoriers de France, et toute espèce de trésoriers, fermiers généraux, etc., gens à n’être point députés pour le tiers état ; par conséquent, que la grande pluralité des députés des trois ordres aura un intérêt personnel, et pour leurs commettants, à préférer la banqueroute à la durée et à toute augmentation possible des impositions, et comptera pour peu les ruines et les cris que causera la banqueroute, en comparaison de la délivrance de tant de sortes d’impôts qui révèlent le secret des familles, en troublent l’économie, et les dispositions domestiques, livrent chacun à la malice et à l’avidité des financiers de toute espèce, ôtent toute liberté au commerce intérieur et extérieur, et le ruinent avec tous les