Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/226

Cette page n’a pas encore été corrigée

son pouvoir, et qu’elle pourra désirer pour se guider dans un choix si difficile, ou à trouver quelque autre solution, et, après qu’elle aura décidé seule et en pleine et franche liberté, se réserver l’exécution fidèle et littérale de ce qu’elle aura statué par forme d’avis sur cette grande affaire ; l’exhorter à n’y pas perdre un moment, parce qu’elle n’est pas de nature à pouvoir demeurer en suspens sans que toute la machine du gouvernement soit aussi arrêtée ; finir par dire un mot, non pour rendre un compte qui n’est pas dû, et dont il se faut bien garder de faire le premier exemple, mais légèrement avec un air de bonté et de confiance, leur parler, dis-je, en deux mots, de l’établissement des conseils, déclarés et en fonction entre la convocation et la première séance des états généraux, et sous prétexte de les avertir que le conseil établi pour les finances n’a fait et ne fera que continuer la forme du gouvernement précédent, sans innover ni toucher à rien jusqu’à la décision de l’avis des états, qui est remise à leur sagesse, pour se conformer après à celle qu’on en attend.

« Je ne crois pas, ajoutai-je, qu’il faille recourir à l’éloquence pour vous persuader du prodigieux effet que ce discours produira en votre faveur. La multitude ignorante, qui croit les états généraux revêtus d’un grand pouvoir, nagera dans la joie et vous bénira comme le restaurateur des droits anéantis de la nation. Le moindre nombre, qui est instruit que les états généraux sont sans aucun pouvoir par leur nature, et que ce n’est que les députés de leurs commettants pour exposer leurs griefs, leurs plaintes, la justice et les grâces qu’ils demandent, en un mot, de simples plaignants et suppliants, verront votre complaisance comme les arrhes du gouvernement le plus juste et le plus doux ; et ceux qui auront l’œil plus perçant que les autres apercevront bien que vous ne faites essentiellement rien de plus que ce qu’ont pratiqué tous nos rois en toutes les assemblées tant d’états généraux que de notables, qu’ils ont toujours