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Tranchons une dernière objection possible. Que diront les étrangers sur un édit qui, sur des fondements aussi bien établis, rend le successeur à la couronne pleinement libre de tout engagement de son prédécesseur, et que deviendront leurs traités et les engagements réciproques ? La réponse est aisée. Les rois ne traitent point par édits avec les puissances étrangères. Il y a des traités, et c’est le plus grand nombre, qui ont des temps limités, ou qui ne sont que pour le règne des princes qui les font. S’il s’en trouve qui les outrepassent, alors ce n’est plus le roi seulement, mais sa couronne qui est engagée avec un autre État, ce qui n’a point d’application aux sujets de la couronne, et alors les traités subsistent dans leur vigueur. De plus, quand, ce qui ne peut tomber dans ce cas, le successeur ne seroit pas obligé de tenir les traités de son prédécesseur, le bien de l’État voudroit qu’il le fit peut-être pour le fruit du traité même, certainement pour le maintien de la confiance et de la sûreté des traités. Ainsi nulle comparaison des sujets avec les puissances étrangères, ni d’un traité avec elles et l’effet d’un édit qui, remontant à la source du droit de la maison régnante, le montre tel qu’il est, d’où suit ce qui vient d’être expliqué qui n’a trait ni application quelconque aux puissances étrangères, ni aux traités subsistants, avec lesquels il ne s’agit ni d’héritage, ni de substitution, ni des différents effets de ces deux manières de succéder. Cette réponse paroît péremptoire, sans s’arrêter plus longtemps à cette spécieuse mais frivole objection.

M. le duc d’Orléans ne me trouva donc pas plus disposé à me charger des finances après le loisir qu’il m’avoit donné pour y penser. Même empressement, mêmes prières, mêmes raisonnements de sa part ; mêmes réponses, même fermeté de la mienne. Il se fâcha, il n’y gagna rien. La fâcherie se tourna en mécontentement si marqué que je le vis moins assidûment, et beaucoup plus courtement, sans qu’il montrât sentir cette réserve, et sans que lui et moi nous parlassions