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qui dès lors ne songeront qu’à vous gagner et à finir pour vous plaire ; et c’est ce qu’il faudra saisir brusquement, et finir solidement, à quelque prix que ce soit, ayant toujours les écoles, les corps ecclésiastiques et les parlements en croupe, pour finir convenablement.

Tout cela longuement discuté et à bien des reprises, M. le duc d’Orléans me parla de Rome et du nonce Bentivoglio, qu’il gardoit pour la fin, et sur quoi il m’expliqua ses craintes. Je l’écoutai longuement, puis je lui dis que cet objet, si principal dans la matière que nous traitions, ne m’étoit pas échappé ; que je trouvois fort aisé de couper court avec Rome, sans qu’elle put s’en offenser, et d’éconduire son ministre qui étoit un fou et un furieux par ambition, sans religion ni honneur, et qui entretenoit publiquement une fille de l’Opéra, dont il avoit déjà un enfant qui n’étoit pas ignoré ; que jusqu’à ce que les conseils fussent entièrement formés et déclarés, les ministres du roi subsisteroient ; qu’ainsi il ne devoit jamais se commettre avec le nonce, mais lui refuser toute audience sous prétexte de la multitude d’affaires et d’ordres à donner. S’il vous attaque lorsqu’il vous rencontrera, voyant tout le monde, l’interrompre, lui dire poliment que ce n’est pas le lieu de parler d’affaires, et le renvoyer à Torcy ; s’il insiste, lui tourner le dos, et vous retirer ; charger Torcy de se rendre peu visible au nonce et de battre la campagne, le lasser ainsi, et se moquer de lui.

À l’égard du pape, se bien garder que rien de sa part, ni verbal et bien moins par écrit, vienne à vous sans que Torcy l’ait ouï ou lu auparavant, pour refuser de vous en rendre compte, comme il est souvent arrivé au roi de refuser de recevoir des brefs, etc., ou pour vous en rendre compte si la chose le comporte ; ne rien répondre que des choses générales au nonce ; au pape force respects, désirs, soumissions, puis lui écrire ou taire dire pathétiquement que le roi le plus craint, le plus absolu, le plus obéi qui ait