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ce conseil ; que le comte de Toulouse étoit à son égard très différent du duc du Maine, et d’un caractère sage et modéré, et aussi aimé et estimé en général que celui de son frère étoit méprisé et abhorré parmi la crainte et la servitude qui réduisoient là-dessus au silence. Je conclus donc qu’il étoit juste, sans péril, et nécessaire de le faire chef de ce conseil, et très dommageable et même dangereux de ne le pas faire, mais que je croyois aussi qu’il n’étoit pas moins à propos de ne lui pas tellement abandonner ce conseil qu’il en devînt une chimère, et que le comte se rendît maître de la marine, qu’il n’y avoit pour cela qu’à y faire entrer le maréchal d’Estrées, homme droit, d’honneur, sachant et connoissant bien la marine, qui en étoit estimé et considéré par sa valeur, ses actions, sa probité, ses talents d’homme de mer, qui par son expérience, sa charge de vice-amiral, son office de maréchal de France se rallieroit et étayeroit ce conseil ; qu’il pouvoit compter sur lui qu’en l’y mettant il ne feroit que le mettre à sa place, qu’il seroit extraordinaire même qu’il ne l’y mît pas ; qu’il étoit bien avec le comte de Toulouse, et de longue main accoutumés l’un à l’autre, pour avoir été souvent à la mer, ensemble et dans les ports, et unis tous deux, et avec d’O, dans la même querelle et dans la même inimitié contre Pontchartrain. Tout cela fut encore approuvé, et M. le duc d’Orléans remit au temps où il pourroit parler, à voir avec le maréchal d’Estrées, et après avec le comte de Toulouse, les marins les plus convenables à composer ce conseil, avec quelque intendant de marine pour ce qui y demandoit nécessairement de la plume.

Venant après au conseil des finances, je lui dis que je connoissois très bien le maréchal de Villeroy, et quel il étoit à son égard, mais qu’il étoit chef de ce conseil et ministre d’État ; que ne lui pas laisser cette place, quoique autrement tournée, c’étoit le plus sanglant affront qu’il se pût faire, et à un homme tel que celui-là ; que son incapacité et sa futilité le rendoit un personnage fort indifférent à la tête d’affaires qu’il