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remonter inutilement plus haut, la Ligue qui n’en vouloit pas moins qu’à la couronne, et le parti protestant, avoient interverti tout ordre sous les enfants d’Henri II. Tout ce que put Henri IV avec le secours de la noblesse fidèle fut, après mille travaux, de se faire reconnoître pour ce qu’il étoit de plein droit, en achetant, pour ainsi dire, la couronne de ses sujets par les traités et les millions qu’il lui en coûta avec eux, les établissements prodigieux et les places de sûreté aux chefs catholiques et huguenots. Des seigneurs ainsi établis, et qui se croyoient pourtant bien déchus après les chimères que chacun d’eux s’étoit faites, n’étoient pas faciles à mener. L’union subsistoit entre la plupart. La plupart avoit conservé ses intelligences étrangères ; le roi étoit obligé de les ménager, et même de compter avec eux. Rien de plus destructif du bon ordre, du droit du souverain, de l’état de sujet, quelque grand qu’il puisse être, de la sûreté, de la tranquillité du royaume. La régence de Marie de Médicis ne fit qu’augmenter ce mal, qui s’étoit affaibli depuis la mort du maréchal de Biron. Le pouvoir et la grandeur du maréchal d’Ancre, de sa femme et de ce tas de misérables employés sous leurs ordres, révoltèrent les grands, les corps, les peuples. La mort de ce maire du palais étranger, l’anéantissement de ses créatures, l’éloignement d’une mère altière qui n’avoit point d’yeux par elle-même, mais une humeur, un caprice, une jalousie de domination, dont des confidents infimes profitoient pour régner sous son nom, rendirent le calme à la France pour quelque temps, mais en ménageant les grands dont la puissance et les dangereux établissements rendoient l’obéissance arbitraire.

Le cardinal de Richelieu sentit également les maux du dedans et du dehors, et avec les années y apporta les remèdes. Il abattit peu à peu cette puissance et cette autorité des grands qui balançoit et qui obscurcissoit celle du roi, et peu à peu les réduisit à leur juste mesure d’honneurs,