Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

faits clairs, et quant à leur vérité manifestes, que les paroles n’ont pu atteindre la force de ce qu’elles ont voulu annoncer, et quelle surprise, de plus de n’y pouvoir méconnoître un coin très déclaré de folie.

M. de Noailles jeté à moi par les raisons qui ont été expliquées alors, et reçu par celles que j’ai exposées, n’oublia rien pour m’enchanter à lui. Il fit sa cour à ceux de mes amis qu’il crut les plus intimes, et en qui il jugea que j’avois le plus de confiance ; il fit sa cour à Mme de Saint-Simon avec le plus grand soin. Point de semaines qu’il ne mangeât plusieurs fois chez moi, quelquefois nous chez lui. Il n’y eut recherche, soins, industrie oubliés. Tous mes sentiments avoient toujours été les siens, jusqu’à mes goûts et pour gens et pour choses, l’identité ne pouvoit être plus parfaite. Je n’ai peut-être que trop répété de choses qui se trouvent t. X, p. 35 et suivantes, du contenu entier desquelles il est nécessaire de se souvenir distinctement. Le commerce étroit, continuel, plein de confiance établi comme on l’a vu, et soutenu entre le duc de Noailles et moi, lui donnoit beau jeu à me sonder sur le futur. C’étoit sur ces temps, qui désormais sembloient prochains, qu’il déployoit tous ses raisonnements, et qu’il ne cessoit de me donner des attaques pour découvrir mes pensées et celles de M. le duc d’Orléans. Mon plan étoit fait, il y avoit longtemps, et je n’en étois pas à avoir bien tout discuté avec ce prince. Mais outre que ce qui se passoit entre lui et moi étoit son secret plus que le mien, étois bien éloigné de m’ouvrir de rien à personne.

Cette réserve colorée comme je le pus ne rebuta point le duc de Noailles, mais il languit longtemps dans son impatience et dans son inquiétude là-dessus. Son agitation ne étoit pas bornée à moi seul par rapport à M. le duc d’Orléans. Il étoit d’ailleurs, et pour des vues différentes et plus anciennes, attaché Contade qui étoit, comme je l’ai dit, major du régiment des gardes, qui gouvernoit le duc de