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chapitre qui recommençoit souvent, et tantôt à empêcher Monsieur de mener cet homme, tantôt d’obtenir du roi qu’il accompagnât Monsieur à Marly. Je rapporte ces détails pour faire voir que M. le duc d’Orléans étoit accoutumé, depuis qu’il étoit au monde, à considérer et à compter le maréchal de Villeroy, et que le maréchal de Villeroy, en ayant été toujours traité avec toute sorte de distinctions, lui devoit, par rapport à feu Monsieur et à lui-même, beaucoup d’attachement. Ce ne fut pas là sa conduite.

Le bel air et la mode, dont il étoit esclave, ne lui permirent pas d’abord de suivre à cet égard ce que le devoir, l’honneur et la reconnoissance demandoient de lui. Bientôt après il n’eut garde de ne s’éloigner pas de plus en plus d’un prince dont le roi étoit pas content, et qui en étoit encore moins content lui-même. Enfin, dès que Mme de Maintenon l’eut pris en aversion, il étoit trop vil courtisan pour ne se pas piquer d’en épouser tous les sentiments. Il étoit de plus lié en dupe avec les Rohan, les Tallard, qui se moquèrent de lui quand ils n’en eurent plus besoin, [avec] M. de Vaudemont et ses nièces, qui tous unis à Mme la Duchesse avoient eu grand soin d’entretenir Monseigneur dans sa haine, et depuis sa mort avoit pu pardonner à M. le duc d’Orléans tout ce qu’ils avoient fait contre lui, et trouvoient en même temps à plaire à Mme de Maintenon. Je mets ici Tallard avec les autres, parce que depuis le mariage de son fils il étoit qu’un avec les Rohan, et qu’auparavant il suivoit le gros et le torrent. Ils avoient entraîné la duchesse de Ventadour qui, comblée par Monsieur et par Madame de tout ce qui peut témoigner l’amitié et la plus grande considération, et qui ayant toujours été traitée avec les mêmes égards par M. le duc d’Orléans, ne devoit pas devenir son ennemie, et qui toutefois s’y laissa emporter. Il y avoit plus de cinquante ans que le maréchal de Villeroy et elle se faisoient fort publiquement l’amour, sans toutefois s’en contraindre de part et d’autre pour ce qu’ils trouvoient