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d’esprit. Je m’écriai que ce seroit pis que faire le mariage si le roi venoit à découvrir l’engagement, et qu’il y auroit de la folie à le hasarder dans la sécurité qu’il lui demeurât caché à la longue ; qu’elle se souvint de ce qui lui étoit arrivé à elle-même, depuis si peu, de l’engagement pris entre elle et Mme la princesse de Conti pour le mariage de leurs enfants ; qu’encore que personne n’eût ici l’intérêt personnel qu’avoit eu Mlle de Conti à la trahison qu’elle avoit faite, il étoit vrai pourtant que tout bon sens répugnoit à se persuader que la connoissance de l’engagement pris et signé entre M. le duc d’Orléans et M. du Maine pût demeurer caché au roi si curieux, si attentif, si jaloux d’être instruit de ce qui se passoit de plus indifférent dans sa cour, dans Paris, et parmi tout ce qui pouvoit être connu de lui ou même l’amuser, à plus forte raison de ce qui pouvoit se passer d’important et d’intéressant dans sa plus intime famille ; que d’ailleurs c’étoit là une précaution tout à fait inutile dans un mariage où la dot et les conventions n’étoient d’aucune considération pour le faire ou pour le rompre, et que, quand le temps de liberté seroit venu, il n’y auroit ni plus de difficulté ni plus de longueur à le faire tout de suite qu’à achever alors ce qui auroit été commencé aujourd’hui. Ce fut un retranchement souvent attaqué, mais où je fis si belle défense, et M. le duc d’Orléans aussi, que rien ne le put forcer. Vint après l’affaire du bonnet après laquelle Mme la duchesse d’Orléans sentit bien apparemment qu’il ne me falloit plus parler sur ce mariage, et qui cessa en même temps aussi d’en plus rien dire à M. le duc d’Orléans. D’entrer dans le détail journalier des panneaux tendus par le duc du Maine, et de l’occupation de Mme la duchesse d’Orléans à faire valoir l’importance de cultiver par toute sorte de complaisance l’amitié du duc du Maine et ses soins pour M. le duc d’Orléans, cela seroit infini, et il suffit de dire une fois pour toutes que ce fut le fléau domestique qui occupa M. le duc d’Orléans et moi, jusqu’à la mort du roi,