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bien plus grand. Le roi vieillissoit et changeoit, la régence regardoit de plein droit M. le duc de Berry ; l’avoir contraire et M. le duc d’Orléans, ou pour protecteurs nécessaires comme beau-frère et gendre, quelle immense différence ! par conséquent, quels manèges et quelles presses ne furent-ils pas employés ! Je soutins tous les assauts avec les mêmes armes dont je m’étois déjà servi, car toujours j’étois le premier et le plus vivement attaqué, et M. le duc d’Orléans y tint bon de son côté ; mais c’étoit des recharges continuelles. La mort de M. le duc de Berry fit une telle augmentation d’intérêt qu’elle causa aussi les instances les plus violentes. M. du Maine sentoit le poids de ses crimes, du moins à l’égard de M. le duc d’Orléans qui vivoit, et ce prince étoit sur le point d’être régent, et en plein état de se venger. Le duc du Maine en trembloit, et cela n’étoit pas difficile à imaginer par tout ce que la peur des ducs lui fit faire pour les mettre aux mains, comme on l’a vu, avec le parlement, et comme on le verra en son lieu avec tout le monde.

Il ne s’agissoit pas encore du testament ni des mesures qui ont été racontées. Il ne voyoit donc que ce mariage qui pût le rassurer. Aussi dès qu’il eut mis la dernière main à sa grandeur héréditaire par s’être fait déclarer lui, son frère et leur postérité, capables de succéder à la couronne, il se servit de ce dernier comble comme d’une nouvelle raison pour la prompte conclusion du mariage. Je fus encore attaqué là-dessus le premier par Mme la duchesse d’Orléans, qui comprenoit apparemment qu’il falloit me persuader, sans quoi elle n’arriveroit point à faire ce mariage. Mes premières armes étoient usées, les parties à marier avoient pris des années depuis que cette affaire étoit sur le tapis. Les princes du sang étoient des enfants, et Mme la Duchesse tombée depuis la mort de Monseigneur. Les ennemis, les jaloux, le monde, c’étoit des mots et non des choses, et cela, qui étoit vrai, m’avoit été souvent répondu. Je m’avisai donc d’une