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qu’il pouvoit auparavant. Elle influa donc fort peu dans sa conduite privée et publique, se mêla peu de lui rien demander, quoique point refusée sur les grâces, et ne fut de rien du tout sur aucune affaire. Cela me dispensera de faire mention du peu de personnes qui pouvoient le plus sur elle. J’ajouterai seulement que Madame fut toujours d’avec le roi et d’avec Mme la duchesse d’Orléans contre la conduite de Mme la duchesse de Berry, à qui elle faisoit quelquefois d’étranges sorties, que le roi lui en parloit avec confiance, qu’il la mit un temps sous sa direction, qu’elle s’en lassa bientôt comme le roi avoit fait, et qu’elle ne trouvoit pas meilleur que lui cet attachement et ce particulier continuel de M. le duc d’Orléans avec Mme la duchesse de Berry, si inutile au changement de sa conduite.

Avant d’entrer dans les embarras du dehors, il faut expliquer les domestiques [de M. le duc d’Orléans]. Il n’y avoit sans doute personne dont les intérêts dussent être si fort les mêmes que les siens, personne encore de meilleur conseil, et dont il fût plus à portée à tous les instants, que Mme la duchesse d’Orléans. Il étoit vrai aussi qu’à un article près, leurs intérêts étoient effectivement les mêmes, et qu’elle le pensoit et le sentoit ainsi. Mais cet article étoit tel qu’il influoit très nécessairement sur tout autre, et qu’il opéroit la plus embarrassante séparation. On entend bien, sans qu’il soit besoin de l’expliquer, que cet article fatal regardoit M. du Maine ; mais ce qu’on ne peut entendre sans le dernier étonnement, c’est que l’intérêt de M. du Maine effaçoit tout autre dans son cœur et dans son esprit, et ce qui va jusqu’à l’incroyable en même temps qu’il est dans la plus étroite vérité, c’est que la béatitude anticipée de l’autre monde eût été pour elle en celui-ci, si elle avoit pu voir le duc du Maine établi roi de France au préjudice de son mari et de son fils, beaucoup plus si elle avoit pu y contribuer. Que si on y ajoute qu’elle connoissoit très bien le duc du Maine, qu’elle en éprouvoit des artifices et des tromperies