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et le même tour que Mme Sforce, mouroit de jalousie. Mme Sforce avoit de l’esprit, comme il a été remarqué, mais sage, sensé, avisé, réfléchi ; bonne et honnête par nature, éloignée de tout mal, et se portant à tout bien, et cette intimité avec Mme la duchesse d’Orléans fut un bonheur pour cette princesse, pour M. le duc d’Orléans et pour toute cette branche royale. Elles passoient leur vie ensemble, et dînoient presque tous les jours tête à tête. Son extérieur droit, sec, froid et haut, avoit du rebutant. Elle aimoit à gouverner. Tout montroit en elle une rinçure de la princesse des Ursins. Mais perçant cet épiderme, vous ne trouviez que sagesse, mesure, bonté, politesse, raison, désir d’obliger, de concilier, surtout vérité, sincérité, droiture, sûreté entière, secret inviolable, assemblage si précieux et si rare, surtout à la cour, et dans une femme. Elle étoit glorieuse sans orgueil et sans bassesse, c’est-à-dire qu’elle se sentoit fort, et qu’elle se conduisoit avec réserve et dignité loin de toute prostitution de cour, où avec cela elle se faisoit compter, quoique en allant tort peu.

La parenté que j’avois avec elle par sa mère, sœur de Mme de Montespan, m’en attira des honnêtetés, rares parce que nous ne nous rencontrions guère, plus ordinaires à Mme de Saint-Simon, qu’elle voyoit souvent chez Mme la duchesse d’Orléans. Aussitôt qu’après le congé donné à Mme d’Argenton, je fus en commerce particulier avec Mme la duchesse d’Orléans, Mme Sforce me fit des avances de liaison auxquelles je répondis à son gré. Je ne la connoissois point assez pour être prévenu de tout son mérite, mais sur ce que j’en avois appris, et sur ce que je savois de son intimité avec Mme la duchesse d’Orléans et sans partage, je crus utile au maintien du raccommodement que je venois de faire avec tant de peine, et à tout ce qui pourroit survenir de vues et d’affaires à M. le duc d’Orléans, de vivre dans l’intelligence qui m’étoit offerte. Bientôt après nous être un peu connus, et Mme de Saint-Simon quelquefois en tiers, ou