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peu. Lorsque le cardinal eut tout arrangé pour arrêter M. le Prince, M. le prince de Conti et M. de Longueville dans l’appartement de la reine-mère, l’après-midi du 18 janvier 1650, au Palais-Royal à Paris, il confia leur conduite du Palais-Royal à Vincennes à Miossens, et à un détachement qu’il choisit des gens d’armes de la garde. Le carrosse où étoient les illustres prisonniers rompit hors de Paris. Il fallut le raccommoder, et ce fut là où M. le Prince s’écria : « Ah ! Miossens, si tu voulois ! » en offrant monts et merveilles. Mais Miossens en savoit trop pour prendre le change. Il avoit fait son marché, et à force d’exagérer la délicatesse et le danger de cette conduite, il avoit tiré parole d’un bâton de maréchal de France. Moins d’une année après, il succéda à Coligny. Le cardinal crut l’amuser en lui donnant la compagnie des gens d’armes, et se délivrer de la sommation fréquente qu’il lui faisoit de sa parole. Miossens prit toujours la charge, mais, au bout de fort peu de temps, il se remit aux trousses du cardinal, et avec la force qu’il tiroit de plus de cette compagnie dont il étoit alors capitaine, il lui fit si grande peur qu’il en arracha le bâton, à la promotion qu’on fit le 15 février 1653. Ainsi il ne l’attendit pas longtemps. Il avoit lors trente-neuf ans, et avoit très peu servi, jamais nulle part en chef, et depuis ne vit plus de guerre ; mais il sut se donner et se continuer toute sa vie une grande considération, et obtenir le gouvernement de Guyenne.

Il avoit épousé en 1645 la fille cadette de Guénégaud, trésorier de l’épargne, sœur du secrétaire d’État, dont il fut veuf d’assez bonne heure, et n’en eut qu’une fille dont on vient d’expliquer la vie. L’hôtel d’Albret fut toujours à Paris le rendez-vous de la meilleure et de la plus illustre compagnie, et devint le berceau de la fortune de Mme de Maintenon, et par elle des amis qu’elle y avoit faits. Mme d’Heudicourt s’en sentit des premières. Sa sœur aînée, Mme de Miossens, n’en ramassa que peu de miettes. Son mari fut le troisième frère