Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/455

Cette page n’a pas encore été corrigée

du pape. Ce malheureux, abhorré partout et dans son diocèse, y mourut banqueroutier, et en homme sans foi ni loi, quelques années après.

L’abbé de Lyonne, fils du célèbre ministre d’État, mourut aussi en ce mois de janvier. Ses mœurs, son jeu, sa conduite, l’avoient éloigné de l’épiscopat et de la compagnie des honnêtes gens. Il étoit extrêmement riche en bénéfices qui lui donnoient de grandes collations [1]. L’abus qu’il en faisoit engagea sa famille à lui donner quelqu’un qui y veillât avec autorité. Il fallut avoir recours à celle du roi, par conséquent aux jésuites, puisqu’il s’agissoit de biens et de collations ecclésiastiques. Ils découvrirent un certain Henriot de la plus basse lie du peuple, décrié pour ses mœurs et pour ses friponneries. Ce fut leur homme ; ils le firent tuteur de l’abbé de Lyonne, chez lequel il s’enrichit par la vente de toutes ses collations. Ce nonobstant, Henriot, valet à tout faire, parut un si grand sujet au P. Tellier, et si à sa main, qu’il le chargea dans Paris de plusieurs commissions extraordinaires dans des couvents de filles, appuyé par Pontchartrain, qui se délectoit de mal faire, et qui faisoit bassement sa cour au P. Tellier. Tous deux firent l’impossible auprès du roi pour le faire évêque, sans que jamais le roi, qui étoit instruit sur ce compagnon, les voulût écouter. Les chefs de la constitution se firent un capital de le faire évêque dans la régence, et réussirent enfin à le faire évêque, ou pour mieux dire, loup de Boulogne, à la mort de M. de Langle. Rien en tout ne pouvoit être plus parfaitement dissemblable. Henriot, connu et par conséquent parfaitement méprisé et détesté, y vécut et y mourut en loup. Ce fut un des premiers évêques que le cardinal Fleury voulut sacrer. Il en fit la cérémonie à Fontainebleau dans la paroisse, au scandale universel. Pour revenir à l’abbé de Lyonne, il passa toute sa vie dans la dernière obscurité. Il

  1. Droit de conférer des bénéfices ecclésiastiques.