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pour elle. Il entroit dans son cabinet et y travailloit quelques heures, qu’il prolongeoit s’il faisoit mauvais temps et qu’il n’eût rien à faire hors de chez lui.

Au sortir de son cabinet il alloit faire des visites ou se promener à pied hors la ville. Il aimoit fort cet exercice et l’allongeoit volontiers ; et, s’il n’y avoit personne de ceux qu’il logeoit, ou quelque personne distinguée, il prenoit quelque grand vicaire et quelque autre ecclésiastique, et s’entretenoit avec eux du diocèse, de matières de piété ou de savoir ; souvent il y mêloit des parenthèses agréables. Les soirs, il les passoit avec ce qui logeoit chez lui, soupoit avec les principaux de ces passages d’armée quand il en arrivoit, et alors sa table étoit servie comme le matin. Il mangeoit encore moins qu’à dîner, et se couchoit toujours avant minuit. Quoique sa table fût magnifique et délicate, et que tout chez lui répondît à l’état d’un grand seigneur, il n’y avoit rien néanmoins qui ne sentît l’odeur de l’épiscopat et de la règle la plus exacte, parmi la plus honnête et la plus douce liberté. Lui-même étoit un exemple toujours présent, mais auquel on ne pouvoit atteindre ; partout un vrai prélat, partout aussi un grand seigneur, partout encore l’auteur de Télémaque. Jamais un mot sur la cour, sur les affaires, quoi que ce soit qui pût être repris, ni qui sentît le moins du monde bassesse, regrets, flatterie ; jamais rien qui pût seulement laisser soupçonner ni ce qu’il avoit été, ni ce qu’il pouvoit encore être. Parmi tant de grandes parties un grand ordre dans ses affaires domestiques, et une grande règle dans son diocèse ; mais sans petitesse, sans pédanterie, sans avoir jamais importuné personne d’aucun état sur la doctrine.

Les jansénistes étoient en paix profonde dans le diocèse de Cambrai, et il y en avoit grand nombre ; ils s’y taisoient, et l’archevêque aussi à leur égard. Il auroit été à désirer pour lui qu’il eût laissé ceux de dehors dans le même repos ; mais il tenoit trop intimement aux jésuites, et il espéroit