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happelourde [1], du terme d’imbécile qui n’étoit comptée pour rien, et qui ne s’étoit jamais mêlée de rien dans sa famille ni dehors, qui n’auroit osé penser à s’opposer à l’inclination du roi, et qui ne branleroit jamais au moindre mot que lui son gendre lui diroit. Cela ne fut pas dit par lui pour une fois aux ducs, mais à plusieurs, et plusieurs fois répété, en répondant lui-même, et y mêlant des plaisanteries du peu de cas qu’il y avoit à en faire. Mais l’affaire pressoit, il falloit une issue, il choisit celle-là, ou il n’en trouva point d’autre. Dans cet instant Mme la Princesse devint un esprit, une femme de tête et d’autorité qui alla parler au roi pour sa famille. Elle dit que M. le Prince lui avoit toujours parlé du bonnet comme de la plus chère distinction des princes du sang sur les pairs ; qu’elle avoit trop de respect pour sa mémoire, pour ses sentiments, pour ses volontés, pour l’intégrité du rang des princes du sang, pour ne pas supplier le roi de toutes ses forces de n’y rien innover. Là-dessus le roi dit à d’Antin qu’il étoit fâché de cette fantaisie qui avoit pris à Mme la Princesse, qu’il ne pouvoit la persuader ni passer par-dessus ; et qu’il ne vouloit plus ouïr parler du bonnet. D’Antin, qui vit bien que c’étoit une chose préparée, ne laissa pas de répondre de son mieux. Mais il parut clairement que le roi étoit convenu avec M. du Maine d’en sortir ; le cette façon, et rien ne le put ébranler.

Rien de si transparent que ce personnage de Mme la Princesse. Personne n’ignoroit le peu de figure qu’elle avoit fait dans sa famille toute sa vie, ni les mépris et les duretés avec lesquels M. le Prince l’avoit sans cesse traitée jusqu’à sa mort, bien loin de lui parler du bonnet, ni même de la moindre chose la plus domestique. Avec des millions dont elle pouvoit disposer, elle n’eut pas le moindre crédit ni moyen d’éteindre le feu que le testament de M. le Prince fit

  1. Ce mot, qui se disait au propre d’une pierre fausse, désignait, au figure, une personne de belle apparence, mais sans esprit.