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que le premier président venoit de faire auprès du roi contre les ducs conduise à le penser. N’étoit-ce aussi que la peur extrême du futur qui saisissoit un moment d’espérance d’obtenir cet écrit, avec dessein effectif de faire donner le bonnet, et de laisser le premier président dans la nasse après s’être assuré des ducs, et peut-être du roi à cet égard d’avance ? Mais qui pourroit sonder les profondeurs du gouffre noir et sans fond du sein du duc du Maine, qui se substituoit son épouse après avoir paru plus qu’il ne vouloit dans la conduite affreuse du premier président ? Dieu les a jugés tous deux, il n’appartient pas aux hommes de le faire.

Quel qu’en ait été le dessein, il manqua, grâce au duc de La Force qui, se voyant trahi par son adjoint, conserva toute la présence de son esprit et de son courage pour s’en tirer habilement et nettement, sans donner prise le moins du monde. M. du Maine, comblé au moins d’avoir commis les ducs avec le premier président par un si vif éclat, et le parlement par lui, ne perdoit point de vue son premier projet de faire casser la corde sur les ducs sans qu’il partît y avoir part, et délivrer en même temps le premier président de faire au roi une réponse nettement négative. Cette réponse de plus ou de moins, après ce qu’il avoit dit au roi des ducs, ne lui auroit pas, à leur égard, gâté sa robe davantage. Mais soit que le premier président crût en avoir assez fait, soit que M. du Maine craignît de se manifester davantage par cette dernière démarche, soit encore, supposé que le roi ne fût pas de la partie, qu’il craignît que, piqué de la conduite du premier président, il ne se fâchât jusqu’à décider le bonnet en faveur des ducs, le duc du Maine eut recours à une nouvelle scène, à travers laquelle il ne parut l’auteur de tout le jeu que plus manifestement : ce fut d’y amener Mme la Princesse. Il ne pouvoit néanmoins ignorer que, dès le commencement de l’affaire, il avoit répondu des princes du sang, et d’elle nommément, si bien qu’il usa pour elle du mot de