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si nous ne trouvons plus de difficulté comme madame l’assure, et que M. du Maine s’en fait fort, que risquons-nous ? et au contraire cette assurance de notre part n’est qu’honorable. »

La Force retint l’indignation dont cette apostrophe le saisit, et avec un sourire modeste lui répondit : « Mais qui nous assurera, monsieur, que ce que le roi approuvera aujourd’hui, par considération pour M. le duc du Maine, ne lui soit pas empoisonné demain contre nous sur son autorité, à laquelle nous aurions attenté par la concurrence de la nôtre ; et contre M. le duc du Maine même qui, non content de toute celle de la majesté royale, auroit en sus montré qu’il comptoit ce concours de notre part nécessaire, et qu’il y a eu recours ? Qui nous assurera que le premier président, dans la rage qu’il témoigne, que le parlement, dans l’aliénation où il l’a mis de nous, n’aura pas encore plus de jalousie que le roi de nous voir confirmer ce que cette compagnie a solennellement enregistré ; et que dans le temps que ces messieurs n’épargnent rien pour nous réduire au simple état de membres de leur corps, comme eux-mêmes et sans rien qui nous en distingue, ils ne feront pas tous leurs efforts pour traiter d’attentat cette autorité arrogée par-dessus, et en confirmation de la leur ? Madame, se tournant vers la duchesse du Maine, cela est trop délicat, ajouta-t-il ; il n’est aucun de nous qui en osât tenter le hasard. » Mme du Maine rageoit et le montroit bien à son visage. Ce coup de partie embrassoit tout, soit en effet pour s’assurer des ducs une bonne et solide fois, comme elle le témaignoit, soit pour les perdre sans ressource auprès du roi, en quoi M. du Maine, qui répondoit de Sa Majesté à cet égard, et qui avoit tant et si fort répondu du premier président, en auroit usé avec la même perfidie, soit pour les perdre avec les princes du sang, sans la moindre participation desquels cette assurance par écrit étoit demandée et eût été accordée, soit avec le parlement, soit avec le public, qui auroit vu les ducs disposer autant