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et qui furent accompagnés des réflexions les mieux ajustées à de si horribles impostures. Elles ne laissèrent pas de frapper le roi, qui les raconta un quart d’heure après à d’Antin comme touché, effrayé, mais en suspens et cherchant éclaircissement. Il ne fut pas difficile. D’Antin lui parla avec tant de netteté sur des inventions si éloignées de toutes pensées, et si évidemment sur l’impossibilité de les concevoir et d’en espérer sans la plus parfaite folie, que le roi, peiné d’en avoir été ému, et piqué contre la hardiesse d’une délation si atroce et en même temps si absurde, permit à d’Antin d’en instruire les ducs pour qu’ils sussent à quel homme ils avoient affaire. D’Antin ne laissa pas échapper l’occasion d’un parallèle aisé entre les ducs et le parlement sur la fidélité, l’obéissance et l’attachement au roi ; et, sans la précaution que l’habile duc du Maine avoit su prendre de faire engager le roi au parlement, en la personne du premier président, de ne point commander, le bonnet eût été emporté de ce coup de haute lutte. L’exposé est seul dans sa simple et pure vérité plus fort que tous les commentaires. On se contentera de dire que l’instrument étoit digne de celui qui s’en servoit, et n’étoit pas inférieur aux plus exécrables usages, et avec un front d’airain, et avoir tout promis et aux ducs et au roi même, sans que les ducs eussent pensé à rien et rien demandé.

D’Antin, dans le reste de la journée, rendit compte à plusieurs ducs de ce [dont] le roi lui avoit permis de les informer. On peut juger avec quel effet. En moins de deux jours tous les ducs se donnèrent parole de ne jamais voir le premier président, et de ne garder avec lui aucunes sortes de mesures en choses et en paroles, d’y entraîner leurs familles, et d’en user comme avec un ennemi public et un imposteur perfide et déshonoré : ce n’est pas trop dire. L’éclat fut porté aussi loin qu’il le put être, et se soutint très longtemps dans tout le feu que méritoit une scélératesse, et gratuite, d’une nature aussi complètement infâme. L’imposteur