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qu’autant qu’il l’intéresseroit puissamment, et il eut assez d’esprit pour le faire d’un seul coup, par les deux passions qui ont le plus de pouvoir sur la plupart des hommes. Il l’alla trouver chez lui, où, accommodant son air et son ton à ce qu’il vouloit faire, il lui dit qu’il venoit implorer sa protection pour le parlement. La surprise d’un compliment si étrange ne fit que mieux sentir ce que Novion lui vouloit dire, d’autant plus qu’il ne tarda pas à s’expliquer. Maisons trembla de perdre en un moment tout ce qu’il avoit pris tant de soin de s’acquérir dans sa compagnie. Il vouloit en être le dictateur, et considéroit cette situation comme la base de toute la fortune à laquelle il tendoit par les amis qu’il s’étoit faits à la cour, et dont sans cette maîtresse roue, l’amitié lui deviendroit inutile. La légèreté de la cour ne lui parut pas comparable en choix avec la solidité d’une compagnie toujours subsistante, que les derniers exemples relevoient, avec l’espérance de ceux qui pouvoient être prochains. Il connut assez le monde pour compter sur son adresse auprès de ses amis de la cour, au moins sur la facilité de la réconciliation après l’affaire finie, au lieu qu’en ne prenant pas parti tout de bon il se perdoit sans retour avec ses confrères, et par eux avec le parlement, auquel ils persuadèrent qu’ils soutenoient moins leur propre distinction que celle du parlement en leurs personnes. Ce fut l’époque du changement de Maisons. Jusque-là il s’étoit extrêmement mesuré. Il s’étoit contenté d’ambiguïtés, et de laisser voir une sorte de suspension, pressant toutefois les ducs de ses amis, moi, entre autres, de ne pas empêcher les princes du sang de les suivre, ce qui, consenti par ces princes, levoit toute difficulté à l’égard des ducs, et tout obstacle du côté du parlement pour changer ce qu’ils désiroient. Tel étoit le langage de Maisons.

Le récit que les ducs de Noailles et d’Antin firent aux autres ducs de leur visite au premier président commença à les détromper de ses bonnes intentions ; car pour sa droiture,