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les laissa encore plus étonnés que le matin chez d’Antin, où il ne retourna pas. Il alla chez M. du Maine, d’où il monta en carrosse pour retourner à Paris.

Le roi manda le lendemain matin à d’Antin par Bontems qu’il avoit balancé à donner le mémoire au premier président ; mais que, n’y ayant rien vu que de bien, et se souvenant qu’il l’avoit prié de le donner, il l’avoit fait. D’Antin étant allé le lendemain chez le roi, il lui dit qu’il avoit dit au premier président de voir le mémoire avec qui il jugeroit à propos de sa compagnie ; que ce que les ducs demandoient lui paraissoit raisonnable ; que, pour ce qui le regardoit, il le trouvoit bon ; que les princes du sang y consentoient ; que c’étoit à lui à examiner ce qu’il y avoit à faire là-dessus, sans en faire une dispute ni un procès, et que cependant il étoit bien aise d’avoir appris que cette affaire, où il ne vouloit forcer personne, se passoit de concert et avec honnêteté entre tous. Le roi ajouta que le premier président n’avoit pas fait la moindre difficulté, avouant même que les ducs n’avoient pas tort de se plaindre, et répondu qu’il prendroit son temps pour en parler à sa compagnie, après quoi il viendroit lui en rendre compte. La même chose nous revint par le duc du Maine. Cette facilité dans le cabinet du roi parut si dissemblable à ce que le premier président avoit montré, avant d’y être entré et après en être sorti, qu’il y en eut qui se persuadèrent qu’il avoit envie de bien faire, mais de se faire valoir, et montrer en même temps à sa compagnie qu’il n’abandonnoit pas ce qu’elle vouloit croire de son intérêt, parce qu’il s’étoit passé plusieurs choses qui l’avoient fort éloignée de lui. Pour moi, qui avois toujours présent le danger que j’ai expliqué d’avance, et devant les yeux le brouillard du mémoire exigé sans la moindre nécessité, communiqué au premier président, et renvoyé sans réponse d’approbation ni d’improbation, je ne pus m’endormir sur ce que je ne voyois point, et M. d’Harcourt fut encore en cela de mon avis.