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particulier, dans le degré d’empire où M. du Maine, un avec Mme de Maintenon, étoit parvenu sur l’esprit du roi. On débattit l’un avec l’autre. Il parut que le péril de donner lieu à M. du Maine de faire passer les ducs pour ses ennemis auprès du roi étoit encore plus grand que l’autre, qu’accepter ses offres n’étoit point un parti de choix mais de nécessité, dans l’état où la chose se trouvoit portée ; qu’il ne restoit qu’à s’y conduire avec toute la prudence qu’on y pourroit employer ; que, puisqu’on ne pouvoit s’en défendre, il falloit voir sagement, puisque forcément, quel parti on en pourroit tirer. La réponse fut donc faite dans cet esprit à M. du Maine le lendemain matin, au même lieu où il avoit fait sa proposition, et l’avoit si fort serrée. Il parut ravi et pressé de se mettre en besogne, avec les compliments les plus flatteurs et les protestations les plus fortes. Il répondit des princes du sang, dont l’âge et la situation, dit-il, ne leur permettroient pas de balancer la volonté du roi. On lui objecta Mme la Princesse et Mme la Duchesse. Sur la première il se mit à rire, à hausser les épaules ; et, après quelques courts brocards sur son imbécillité et le peu de crédit qu’elle avoit dans sa famille, il en répondit, et assura qu’elle ne traverseroit pas une affaire qui devenoit à lui la sienne. Sur Mme la Duchesse, il répondit qu’il ne croyoit pas qu’elle se souciât du bonnet, moins encore qu’elle osât rien tenter contre le goût et le vouloir du roi ; qu’au reste on savoit combien il étoit peu à portée d’elle, et que c’étoit aux ducs à lui parler ainsi qu’à M. le duc d’Orléans, duquel il n’osoit se charger. Il exhorta ensuite d’Antin, qui s’étoit approché d’eux parce qu’il étoit averti de ne perdre pas de temps à en dire un mot au roi, et assura qu’il verroit incessamment le premier président.

Ce magistrat répondit des merveilles au duc du Maine, sur la parole duquel les ducs d’Aumont et d’Antin le virent, et qui le trouvèrent tout sucre et tout miel. D’Antin n’eut pas la peine d’en parler au roi, le roi lui parla le premier.