Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/388

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’étoit pas pour cela que M. du Maine les avoit tenus. Voyant leur peu de succès, et que ses offres de services n’étoient reçues que par des compliments généraux, il prit à part quelques jours après, toujours au même lieu et à la même heure, le duc de Noailles et d’Antin. Il leur dit qu’il ne comprenoit pas la froideur qu’il trouvoit en ceux à qui il avoit déjà parlé, sur une affaire qui les avoit si animés dans d’autres temps et avec tant de raison ; qu’il avoit toujours été choqué d’une indécence si extraordinaire ; qu’il n’avoit dit mot tant qu’elle lui avoit servi de distinction ; mais qu’à présent qu’il en avoit d’autres, cela lui paraissoit insupportable ; qu’il étoit ami de quelques ducs, serviteur en général de tous ; qu’il honoroit leur dignité, la première du royaume ; qu’il désiroit leur amitié et de la mériter en les servant sur un point aussi intéressant. Enfin il ajouta que son désir étoit si sincère qu’il avoit déjà pressenti le roi ; que ses dispositions étoient favorables ; qu’il avoit aussi parlé au premier président, qui, dit-il, gouvernoit le parlement ; qu’il se faisoit fort du premier président, et du parlement par lui ; et qu’il leur pouvoit répondre que le roi ne feroit aucune difficulté, dès que le parlement consentiroit. Il revint après à la froideur qu’il avoit remarquée avec tant de surprise ; enfin il les pria de se voir quelques-uns ensemble, de se communiquer la conversation qu’il avoit avec eux, et de lui dire après ce qu’ils désireroient de lui.

Les premiers propos avoient fort surpris ceux à qui il les avoit tenus, mais ce compliment redoublé et si marqué les étonna bien davantage. Il leur parut trop pressant, et la chose trop suivie, pour pouvoir se dispenser de se voir entre eux ; et le jour même le duc d’Harcourt boiteux, infirme et qui marchoit difficilement, envoya prier quelques-uns des principaux qui se trouvoient à Versailles de venir chez lui un peu avant midi. Nous y trouvâmes les ducs de La Rochefoucauld, de Villeroy, de Noailles, d’Aumont, Charost et moi. Harcourt exposa ce qui vient d’être raconté, mais en