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porte un orgueil heureux, organisé, toujours subsistant et consultant, qui de degré en degré, tous plus étonnants les uns que les autres, arrive enfin à un comble dont le prodigieux ôte la parole et la lumière et se présente comme probable à force d’accablement [1].

Tout l’État n’est composé que de trois ordres, ainsi qu’on l’a montré au commencement de cette longue mais nécessaire digression. Nul François qui ne soit membre de l’un de ces trois ordres, par conséquent nul François qui puisse être autre chose qu’ecclésiastique, noble ou du tiers état. Chaque ordre a ses subdivisions ; celui qui est devenu le premier est composé du corps des pasteurs du premier et du second ordre, des chapitres du clergé séculier, et du régulier qui se divise encore en ordres et en communautés différentes. Il en est de même de l’ordre de la noblesse et de celui du tiers état. Avec cette démonstration, comment se peut-il entendre qu’une cour de justice qui, par son essence, n’est ni du premier ni du second ordre, et qui n’est établie que pour juger les causes des particuliers, puisse être le premier corps de l’État ? Voilà une exclusion dont l’évidence frappe.

On ne peut comprendre comment un corps du tiers état se met au-dessus de ces trois ordres, si on a jamais su que la partie ne peut être plus grande que son tout, et que le tiers état dont le parlement fait partie, non seulement ne précède pas les deux autres, ordres, et que de cela même il est connu sous le nom de tiers état, mais qu’il ne leur est pas égal et leur est inférieur en quantité de choses très marquées. Ce raisonnement seul devroit suffire, mais la chicane maîtresse des cavillations, et féconde en refaites, veut être forcée dans ses retranchements.

Je n’en vois ici que deux, l’un que le parlement ne soit pas du tiers ordre ; l’autre qu’il soit autre qu’une simple cour de justice. Ce seroit revenir sur ses pas par une ennuyeuse

  1. Passage omis par les précédents éditeurs depuis C’est ce qui m’a obligé.