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jamais ; force révérences s’il la rencontroit par quelque hasard ; et payoit toujours de monosyllabes et de révérences redoublées tout ce qu’en ces occasions elle lui disoit d’obligeant.

M. de La Rochefoucauld avoit beaucoup d’honneur, de valeur, de probité. Il étoit noble, bon, libéral, magnifique ; il étoit obligeant et touché du malheur. Il savoit et osoit plus que personne rompre des glaces, et souvent forcer le roi. Mais, à force de prodiguer ses services avec peu de choix et de discernement, il fatigua et lassa enfin le roi, mais ce ne fut que sur les derniers temps ; d’ailleurs sans aucun esprit, sans discernement, glorieux au dernier point, rude et rustre en toutes ses manières, très volontiers brutal, désagréable en toutes ses façons, embarrassé avec tout ce qui n’étoit point ses complaisants, mais comme un homme qui ne sait pas recevoir une visite : , ni entrer ou sortir d’une chambre ; surtout désespéré si une femme lui parloit en le rencontrant. Hors M. de Bouillon et les maréchaux de Duras et de Lorges, il n’alloit chez qui que ce fût, excepté un instant pour des compliments indispensables de mort, de mariage, etc., et encore tout le moins qu’il pouvoit. Il vivoit chez lui avec un tel empire qu’il n’y voyoit personne aussi qu’à ces mêmes occasions, il n’y avoit que des gens désoeuvrés qui n’étoient guère, et la plupart point, reçus ailleurs, qu’on appeloit les ennuyeux de M. de La Rochefoucauld, et ses valets, qui étoient ses maîtres, qui s’y mêloient de la conversation, et pour lesquels il falloit avoir toutes sortes d’égards et de complaisances, si on avoit envie de fréquenter la maison.

Il avoit plusieurs gentilshommes tant à lui que de la vénerie ; mais, en cela très homogène à son maître, ils étoient peu comptés, et ses valets l’étoient pour tout, jusque-là que ses enfants étoient réduits à leur faire la cour, et n’obtenoient rien de lui que par Bachelier, qui de son laquais étoit par sa protection devenu premier valet de garde-robe, et