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d’assister le roi en ses hautes et importantes affaires, de tenir les délibérations de la cour secrètes, et de se comporter en tout comme un bon, vertueux, magnanime duc et pair de France doit faire. » Ce sont les termes consacrés mot pour mot qui ont été en usage depuis l’introduction de la prestation de serment par les pairs, la première fois que chacun d’eux vient prendre séance au parlement. Il est le même pour les pairs ecclésiastiques ; on n’y change que le nom de comte au lieu de celui de duc pour les laïques et les ecclésiastiques qui sont comtes-pairs. Dès lors le parlement en regardoit la dignité avec jalousie, et dans l’impossibilité de se défaire d’eux comme des autres prélats et des autres nobles, il cherchoit à les dégoûter et à les écorner, sans toutefois avoir osé le tenter.

L’occasion de la réception de M. de Guise se présenta, qui la saisit pour laisser ajouter à ces mots du serment : « comme un bon, vertueux et magnanime duc et pair, » ceux-ci : « et comme un bon conseiller de cour souveraine doit faire. » Quelque monstrueux que fût l’accolement de la dignité de pair de France avec la qualité de conseiller de cour souveraine, et qu’il parût à tout le monde, l’indignation publique fut étouffée sous le poids du duc de Guise, et son exemple passa longtemps en loi.

Longtemps après il se trouva des pairs plus difficiles, qui refusèrent cette étrange innovation, et les années coulèrent ainsi parmi plus de soumis que de rénitents [1] ; à la fin les pairs n’en voulurent plus entendre parler. Le parlement sentit que la chose étoit insoutenable, de quelque côté qu’on la prît ; les mots ajoutés furent peu à peu supprimés ; mais ce ne fut qu’au commencement que le dernier Harlay fut premier président qu’il fut décidé, sans que le roi y intervînt autrement que de le trouver juste, que jamais plus il n’en seroit parlé.

  1. Expression latine (renitentes) qui signifie luttant contre ; les précédents éditeurs l’ont remplacée par le mot résistants.