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un se plaint de contraventions et de pillage contre d’autres particuliers. Le refus que François Ier lui fit faire d’enregistrer le traité de Madrid ne fut qu’un acte d’obéissance conforme au cri général de la nation, et son enregistrement, quand il l’auroit fait, n’en eût pas servi davantage à Charles-Quint. C’est donc à l’époque de la mort funeste d’Henri IV qu’il faut fixer la première connoissance que le parlement a prise des affaires d’État et du gouvernement.

Cet exécrable événement, du détail duquel toutes les histoires et les Mémoires de ces temps-là soulageront ceux-ci, remplit toute la cour d’horreur, et d’effroi toute la ville. Le prince de Condé étoit hors du royaume et premier prince du sang ; Monsieur [1], plus jeune que le roi mineur, et nul autre fils de France ; les autres princes du sang, et il n’y en avoit que deux, le prince de Conti et le comte de Soissons, à craindre pour la reine par plus d’une circonstance ; peu de grands à Paris, tellement que le duc d’Épernon, comptant de jouer un grand rôle si la reine lui avoit l’obligation de toute son autorité, ne pensa qu’à la lui procurer de la manière la plus publique et la plus solennelle, et à loi assurer le plus de gens qu’il pourroit, en les associant en un acte que leur intérêt les engageroit après à soutenir, sans songer dans cet instant subit aux conséquences.

Il se servit donc sur-le-champ de l’autorité de son office de colonel général de l’infanterie, fit assembler le parlement quoiqu’il fût fête, investit le palais en dehors, et la grand’chambre, en remplissant la grande salle de milice, tout cela sur-le-champ, et, comme on dit, en un tournemain, et y fit aller aussitôt tout ce peu qu’il y avoit de pairs et d’officiers de la couronne avec la reine, laquelle fut à l’instant, du consentement de tous, déclarée régente et revêtue seule du pouvoir souverain.

De là le parlement voulut profiter des troubles qui survinrent

  1. Il s’agit ici de Gaston, duc d’Orléans, frère de Louis XIII.