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des procès et des juges, ont multiplié les chambres, d’où la première, auparavant unique, a été nommée en toutes [les cours] la grand’chambre, pour la distinguer des autres.

Il faut encore se souvenir que ces parlements, dont les juges légistes changeoient à chaque parlement de Pâques, la Toussaint, etc., et les seigneurs aussi qui n’étoient point pairs, et que le roi y mandoit nommément, seigneurs et légistes, durèrent jusqu’aux troubles des factions d’Orléans et de Bourgogne sous Charles VI. Ses fréquentes et longues rechutes, qui ne lui permettoient pas de choisir les membres de ces parlements, en livroient la nomination à celle des deux factions qui lors avoit le dessus. Les désordres qui en naquirent firent changer l’usage jusqu’alors observé ; et pour ne retomber plus à chaque parlement dans le même inconvénient, il fut réglé que les mêmes membres le demeureroient à vie, et qu’il n’y en seroit mis de nouveaux que par mort de ceux qui s’y trouvoient, et que c’est l’époque qui a rendu les légistes juges uniques de fait, parce que, ne s’agissant plus de donner une quinzaine ou trois semaines en passant à juger des procès, les seigneurs et les nobles que les rois y avoient jusque-là nommément appelés à chaque tenue, tantôt les uns, tantôt les autres, ne purent quitter l’exercice des armes, ni leurs affaires domestiques, pour passer leur vie à juger en toutes ces diverses tenues de parlement, se retirèrent presque tous, et laissèrent les légistes remplir leurs places qui n’avoient rien mieux à faire. Parmi eux l’Église y conserva des clercs, d’où sont venus les conseillers-clercs, pour y veiller à ses intérêts, mais de même étoffe que ces légistes, par ce que les évêques et les grands prélats, occupés de leur résidence, souvent de grandes affaires, et même de la guerre, ne purent donner leur temps à ces fréquentes assemblées, et comme la noblesse les abandonnèrent.

Ainsi les légistes devenus juges, et par le fait seuls juges, juges à vie, s’accréditèrent. Les malheurs de l’État et les