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y sont pareillement et de droit réunis. Il faut donc que les fils de la couronne soient nourris et pourvus par la couronne, c’est-à-dire des biens de la couronne ; et comme les biens de la couronne sont par cela même inaliénables, la portion des biens qui leur est donnée ne leur est que prêtée, c’est-à-dire qu’ils n’en peuvent disposer, mais en jouir eux et leurs descendants de mâles en mâles, pour, à faute enfin de mâle, retourner à la couronne, et c’est ce qui est connu sous le nom d’apanage.

De là il est aisé de conclure de quelle dignité est un bien donné en apanage, puisqu’il brille d’un rayon de la couronne même, qui se répand sur son possesseur ; et quel nouveau jour donne à ce qui a été dit jusqu’ici de la dignité de pair et de la pairie de France, des noms donnés aux pairs, etc., ce qu’on a cité de nos rois qui déclarent en divers temps que pairie et apanage sont synonymes, et que de tous les temps les pairies sont apanages, et récemment encore du duché d’Uzès. Enfin, il faut ajouter à cette réflexion naturelle ce que nos rois jusqu’à Louis XIV inclusivement ont dit des pairs et des pairies, et leur aveu que c’est le plus grand effort de leur puissance et ce qu’ils peuvent faire et donner de plus grand. Cela est dit par eux indépendamment de la qualité d’apanage inhérente, comme on l’a vu, par nature à la pairie. Joignant ensemble l’idée qui naît de la réunion de ces deux choses en la même, quelle splendeur et quelle majesté ! Aussi nos rois n’ont-ils pu faire plus pour leurs fils puînés et pour leurs frères jusqu’à aujourd’hui, ni pour les princes de leur sang, quoique si singulièrement grands par le majestueux effet qu’ils reçoivent de la loi salique, que de les faire et déclarer tous pairs de France par le droit de leur naissance auguste, sans avoir même de pairie, et précédant tous autres pairs. C’est ce que fit Henri III, avec d’autant plus de justice qu’il étoit très indécent que des princes que leur naissance appeloit à la couronne, le cas en arrivant, fussent précédés par les