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court abrégé ; mais c’est un récit le plus succinct pour la nécessité, et non un traité qu’il s’agit de faire.

Cette forme de gouvernement dura constamment sous la première race de nos rois, et cette assemblée se nommoit placita, de placet, c’est-à-dire de ce qu’il lui avoit plu de résoudre et de décider.

Pépin, chef de la seconde race, porté sur le trône par les grands vassaux, à force de crédit, de puissance, d’autorité qu’il avoit su s’acquérir, continua la même forme de gouvernement ; mais en mai au lieu de mars, qui fut trouvé trop peu avancé dans le printemps pour tenir les placita. Charlemagne son fils les continua de même autant que ses voyages le lui permirent, mais jamais sans ses grands vassaux il n’entreprit aucune chose considérable de guerre, de paix, de partage de ses enfants, d’administration publique, tandis qu’en Espagne et en Italie il agissoit seul. L’usage ancien fut suivi par sa postérité. Sous elle les grands vassaux s’accrurent de puissance et d’autorité, tellement qu’ils ne le furent guère que de nom sous les derniers rois de cette race, dont la mollesse, la faiblesse et l’incapacité y donnèrent lieu.

Peu à peu les différends de fiefs n’allèrent plus jusqu’aux rois. Les feudataires jugeoient les contestations que leurs vassaux n’avoient pu terminer entre eux par le jugement de leurs pareils ; et pour les causes les plus considérables, elles se jugeoient par les grands feudataires assemblés avec le roi. La multiplication de ces différends vint de celle des inféodations dans leurs conditions différentes, dans le désordre des guerres qui fit contracter des dettes, et qui obligea à mettre dans le commerce les fiefs qui n’y avoient jamais été, qui de là les fit passer par divers degrés de successions souvent disputées, enfin aux femmes, sans plus d’égard sur ce point à la fameuse loi salique, qui les excluoit de toute terre salique [1] : loi qui n’ayant pour objet que cette terre, c’est-à-

  1. On doit entendre probablement par terre salique la terre de conquête et surtout l’espace qui entourait le manoir principal. Voy. les notes de M. Pardessus sur la loi salique.