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de guerre, de paix, de lois à faire, à soutenir, à toutes celles qui regardoient le dedans et le dehors.

Les conquêtes s’étant multipliées, les Francs qui les firent donnèrent leur nom de France à la Gaule qu’ils avoient soumise, et ils reçurent de leurs rois des partages des terres conquises, à proportion de leurs services, et de leur poids, et de leurs emplois. Ces portions leur tinrent lieu de paye. Ils les eurent d’abord à vie, et, vers le déclin de la première race, presque tous en propriété [1]. Alors, ceux qui avoient les portions les plus étendues en divisèrent des parties entre des Francs moindres qu’eux, sous les mêmes conditions qu’ils tenoient eux-mêmes leurs portions du roi, c’est-à-dire de fidélité envers et contre tous, d’entretenir des troupes à leurs dépens, de les mener à celui qui leur avoit donné leurs terres pour servir à la guerre sous lui, comme lui-même étoit obligé envers le roi à la même fidélité et au même service de guerre, toutes les fois que le roi le mandoit. C’est ce qui forma la seigneurie et le vasselage. Ceux qui avoient leurs portions des rois s’appelèrent bientôt feudi [2], et fidèles, de la fidélité dont ils avoient contracté et voué l’obligation en recevant ces portions qui furent appelées fiefs [3] ; et l’action de les recevoir en promettant fidélité et service militaire au roi, hommage [4]. Ces premiers seigneurs furent donc les grands feudataires qui eurent d’autres feudataires sous eux, comme il vient d’être dit, qui tenoient des fiefs d’eux sous la même obligation à leur égard de fidélité et de service militaire. C’est d’où est venue la noblesse connue longtemps avant ce nom sous le générique de miles, homme

  1. On appelait bénéfices les terres qui furent données aux guerriers francs après la conquête. Voy., sur la nature de ces terres, les Essais sur l’Histoire de France, par M. Guizot.
  2. Saint-Simon a écrit ainsi ce mot au lieu de leudi qui se trouve plus bas. Le mot leudes vient de l’allemand leuten (accompagner) et désignait les compagnons ou fidèles des rois barbares.
  3. Voy. notes à la fin du volume p. 401.
  4. Voy. t. II. p. 449, note sur l’hommage.