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son contentement, et celui des grandeurs et de la puissance où tant de machines l’avoient élevé. Il craignoit les princes du sang dès qu’ils seroient en âge de sentir l’infamie et le danger de la plaie qu’il avoit porté dans le plus auguste de leur naissance, et le plus distinctif de tous les autres hommes ; il craignoit le parlement qui, jusqu’à ses yeux, n’avoit pu dissimuler l’indignation du violement qu’il avoit fait de toutes les lois les plus saintes et les plus inviolables, sans se pouvoir rassurer par le dévouement sans mesure du premier président, trop décrié par son ignorance, trop déshonoré par sa vie et ses mœurs, pour oser espérer de tenir sa compagnie par lui. Enfin il craignoit jusqu’aux ducs, tant la tyrannie et l’injustice sont timides.

Sa frayeur lui fit donc concevoir le dessein de brouiller si bien ses ennemis, de les armer si ardemment les uns contre les autres, qu’ils le perdissent de vue, et qu’il leur échappât dans le cours de leur longue et violente lutte, qui leur ôteroit tout moyen de réunion contre lui, qui étoit la chose qui lui sembloit la plus redoutable. Pour entendre comment il parvint à ce grand but, il faut expliquer certaines choses entre les pairs et le parlement. On se contentera du nécessaire, ce lieu n’étant pas celui de traiter cette matière à fond, mais ce nécessaire ne peut être aussi court qu’on le désireroit ici.

Il faut d’abord voir ce qu’est la dignité de pair de France, si elle n’est pas la même aujourd’hui qu’elle a été dans ces puissants souverains, ou presque tels, dont les duchés et les comtés-pairies ont été en divers temps réunis à la couronne, et ce qu’est le parlement de Paris et les autres parlements du royaume. C’est une connoissance nécessairement préalable aux choses qu’il est temps de raconter.