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bientôt qu’il savoit trop de théologie pour eux, et trop exactement, et trop aussi d’affaires du monde. Celui qui dans son premier âge avoit si bien su finir l’affaire des quatre évêques n’étoit pas dans son dernier l’homme qu’il leur falloit, avec l’expérience et l’autorité qu’il avoit acquise. Ils prirent donc le parti de rompre des conférences auxquelles le cardinal d’Estrées n’avoit garde de prendre goût, parce qu’il y voyoit trop clairement la droiture et la vérité d’une part, la fascination, le parti, les artifices, la violence de l’autre.

Ce fut dans le court espace de temps de ces conférences que le P. Lallemant, un des principaux boute-feu des jésuites, alloit écumer le plus souvent qu’il pouvoit ce qui se passoit à l’abbatial de Saint-Germain des Prés. S’y trouvant un jour avec le maréchal d’Estrées qui y logeoit avec son oncle, et parlant tous deux de la matière qui étoit sur le tapis pendant que le cardinal travailloit dans son cabinet, le P. Lallemant se mit à vanter l’inquisition, et la nécessité de l’établir en France. Le maréchal le laissa dire quelque temps, puis le feu lui montant au visage, lui répondit vertement sur cette exécrable proposition, et finit par lui dire que, sans le respect de la maison où ils étoient, il le feroit jeter par les fenêtres.

Ce projet, qui est depuis longtemps le projet favori des jésuites et de leurs principaux abandonnés, comme celui dont l’accomplissement mettroit le dernier comble à leur puissance deçà et delà les monts, est celui auquel ils n’ont cessé de loin d’aplanir toutes les voies, et à l’avancement duquel ils n’ont cessé de travailler depuis l’espérance et les moyens que leur en fournissent l’anéantissement de la paix de Clément IX, et leur chef-d’œuvre, l’affaire de la constitution, qui ont établi une inquisition effective par la conduite que depuis sa naissance on y tient de plus en plus tous les jours, qui est un prélude et un bon préparatif pour y accoutumer le monde.