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accroire là-dessus, et disoit fort naturellement qu’il connoissoit ses pères, jusqu’à un qui avoit été page de la reine Anne, duchesse de Bretagne, mais que par delà il n’en savoit rien, et qu’il ne falloit pas chercher. Or ce page, qui ne fit pas grande fortune, et qui épousa une La Cauchie, étoit le grand-père du sien, dont le père étoit fils d’un bâtard de Vendôme-Bourbon, et sa femme étoit Babou, fille de La Bourdaisière et d’une Robertet, gens de beaucoup de faveur. Cette Babou avoit six sœurs. Elles étoient belles, mariées, intrigantes ; on les appeloit de leur temps les Sept péchés mortels. Voilà ce qui commença à apparenter et à mettre dans le monde le grand-père du cardinal d’Estrées. La Babou sa grand’mère étoit aussi déterminée qu’intrigante. Il est remarquable qu’elle fut tuée à Issoire, où elle s’étoit jetée et qu’elle défendoit, le dernier de l’année 1593, contre les ligueurs.

Elle laissa deux fils et six filles, dont trois figurèrent. Le fils aîné fut tué, un an après sa mère, au siège de Laon, l’autre est le premier maréchal d’Estrées, père du cardinal. Des filles, l’aînée fut seconde femme du maréchal de Balagny, bâtard du célèbre évêque de Valence, frère du maréchal de Montluc. Le maréchal de Balagny s’étoit fait, par les armes et par adresse, souverain de Cambrai. Il n’y put résister longtemps aux Espagnols, sur qui il avoit usurpé le pays et la place. Sa première femme, sœur du fameux Bussy d’Amboise, et qui n’avoit pas moins de courage que lui, mourut de rage et de dépit, peu de moments après être sortie de Cambrai, en 1595. Balagny mourut en 1603, et sa seconde femme deux ans après. Gabrielle d’Estrées fut la seconde, dont la beauté fit la fortune de son père, et dont l’histoire est trop connue pour s’y arrêter. Elle étoit sœur du père du cardinal, mais morte près de trente ans avant sa naissance. La troisième, qui figura, épousa le premier duc de Villars, à la fortune duquel elle contribua beaucoup. Pour revenir à leur père, Gabrielle, dès lors pleinement et