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sans cesse, et tant de menaces sur ma façon d’être avec M. le duc d’Orléans, et les raisons pressantes qu’on avoit de m’écarter de lui, que j’ai expliquées plus d’une fois.

Je cherchai d’où le roi avoit pu prendre un sentiment si flatteur, j’ose dire si vrai, en même temps si opposé à ce qu’on ne cessoit de chercher à me persuader. Il étoit plus que manifeste que le ne le devois pas à Mme de Maintenon, à M. du Maine, à l’intérieur de leur dépendance, à aucun des ministres. Peut-être à Maréchal ; mais il me l’auroit dit dans le temps et à quelle occasion, et cela ne parut pas à la réponse que le roi lui fit sans qu’il l’eût attirée ; peut-être à M. de Beauvilliers ; ce qui m’a paru de plus vraisemblable, c’est en gros de n’avoir jamais été soupçonné d’aucune des choses si graves qui avoient été si fort jetées sur M. le duc d’Orléans, non pas même la plus légère idée parmi tant d’ennemis et d’envieux si peu ménagés de ma part ; et ma séparation entière et constante dans tous les temps de tout ce qui étoit non seulement maîtresses, débauches, soupers, mais de tous les amis de plaisir et de Paris de M. le duc d’Orléans ; en particulier de ce que le roi à la fin avoit su que c’étoit moi qui avois séparé M. le duc d`Orléans de Mme d’Argenton, qui l’avois raccommodé avec Mme la duchesse d’Orléans, qui entretenois leur union et en étois le lien continuel ; et peut-être Mme la duchesse d’Orléans elle-même, qui se trouvoit très heureuse que je fusse continuellement avec M. le duc d’Orléans, avoit eu occasion de dire quelque chose au roi là-dessus. Elle ne me l’a toutefois jamais dit ni laissé entendre.

Maréchal m’ajouta que, ayant pris occasion ce même soir au petit coucher, lorsque les courtisans qui ont ces entrées furent sortis, de reparler encore de M. le duc d’Orléans de chez qui il descendoit de nouveau, pour faire parler le roi sur ce prince, qui lui avoit paru fort sec à tous les comptes qu’il lui en avoit rendus toute cette demi-journée, il se mit à le louer sur son esprit, sur ses diverses sciences, sur les