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M. de Beauvilliers, qui avoient apparemment leurs raisons pour l’accueillir. Il en fit l’important de plus en plus, et se fourra tant qu’il put. Je ne sais s’il se douta de quelque chose, mais il évita, même scandaleusement, la campagne de Lille par un voyage à Bourbonne. Il en revint à la cour dans le temps des plus grands cris contre Mgr le duc de Bourgogne, et de tous les mouvements qui ont été racontés. Il vit de quel côté venoit le vent, et n’eut pas honte d’être un des grands prôneurs de M. de Vendôme, et de tomber sur Mgr le duc de Bourgogne, auprès duquel il avoit été mis, et y était. Cette infamie le déshonora, mais elle fut bien récompensée par les patrons qu’elle lui valut. Il est mort bien des années depuis avec plus de quatre-vingt mille livres de rentes de grâces de Louis XIV, sans compter les militaires pour ses enfants. Le même crédit le fit sous-gouverneur du roi d’aujourd’hui, dont son fils aîné eut la singulière survivance et l’exercice.

Celui-là étoit un fort honnête homme, avec de la valeur, du sens et de la modestie, et n’a pas survécu son père longtemps. Il avoit un cadet qui faisoit le beau fils et l’homme à bonne fortune ; et c’est celui dont il va être question.

M. et Mme de Beauvilliers avoient toujours reçu Saumery à peu près à l’ordinaire, qui s’y présentoit aussi dégagé que s’il n’avoit eu quoi que ce fût à se reprocher, bien que très informés de toute sa conduite. Je les avois inutilement attaqués là-dessus, et je ne m’étois pas contraint dans le monde de ce que je pensois de Saumery et de ses procédés. Ses fils s’étoient aussi enrichis. Le cadet longtemps depuis, ce beau fils dont j’ai parlé, avoit acheté des terres, une entre autres qui convenoit à Mme de Beauvilliers pour des mouvances [1] qui l’auroient jetée en beaucoup d’embarras, et

  1. La mouvance d’un fief était comme on l’a déjà dit, la dépendance d’un fief inférieur par rapport au fief dominant ou suzerain. Il y a eu de très longues contestations pour savoir si la Bretagne était un fief mouvant du duché de Normandie.