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qui défavorisoient celui à qui de droit et de nécessité inévitable les rênes de l’État se trouveroient dévolues, faisoient souhaiter que le roi mît ordre au gouvernement qui succéderoit au sien, mais non pas dans les ténèbres.

On souhaitoit que le roi établît de son vivant le gouvernement tel qu’il le vouloit laisser après lui ; qu’il mît actuellement dans son conseil et dans ses affaires ceux qu’il y destinoit après lui, et dans les places et les fonctions qu’ils devoient remplir ; que lui-même, gouvernant toujours avec la même autorité, réglât publiquement celle qui devoit succéder à la sienne, dans les limites et dans l’exercice qu’il avoit résolu qu’elle eût ; qu’il dressât le futur régent, et ceux qui en tout genre entreroient après lui dans l’administration, à celle que chacun devoit avoir ; qu’il en formât l’esprit et l’harmonie en se servant d’eux dès lors en la même façon qu’ils devoient servir après lui, chacun respectivement au gouvernement de l’État ; qu’il eût le temps de voir et de corriger, de changer, d’établir ce qu’il trouveroit en avoir besoin ; qu’il accoutumât à ce travail, et qu’il instruisit ceux qu’il ne faisoit qu’y destiner, et le reste de ses sujets à voir ceux-là en place, et à les honorer ; en un mot à tout exécuter lui-même, de manière qu’il n’y eût aucun changement à sa mort, qu’elle n’interrompît pas même la surface des affaires, et qu’il n’y eût qu’à continuer tout de suite et tout uniment ce qu’il auroit établi lui-même, dirigé et consolidé.

Mais ce qui étoit le vœu public, celui même des plus sages, le bien solide de l’État, n’étoit pas celui du duc du Maine ; il craignoit trop le cri public de tout ce qu’il embloit au régent, et le prince qui devoit l’être, qui avec honneur et sûreté n’auroit pu s’y soumettre ; le parallèle de la loi et de la faveur aveugle et violente ; celui de leur commune base, le sang légitime des rois, dont M. le duc d’Orléans étoit petit-fils et neveu, avec le ténébreux néant d’une naissance si criminelle que jusqu’au duc du Maine elle étoit inconnue