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néant depuis qu’il y a des François, et qui y est demeuré sans cesse jusqu’à cette heure enseveli chez toutes les nations, et jusque chez les sauvages ; la tentative étoit étrangement forte, et si [1] ce n’étoit pas tout, parce qu’elle ne pouvoit se proposer seule sans s’accabler sous ses ruines, et perdre de plus tout ce qu’on avoit conquis.

Ils ne virent donc qu’un testament du roi, dicté par eux-mêmes, dont ils pussent espérer une stabilité de leur nouvel être par le respect du testateur, et par les nouveaux degrés de puissance dans lesquels ils se feroient établir. Ce n’étoit pas que M. du Maine pût ignorer le sort ordinaire de pareilles précautions ; mais il n’étoit pas aussi dans le cas ordinaire à cet égard, par tout ce que de longue main il avoit su faire jouer d’artifices et de ressorts, toujours depuis si soigneusement soutenus. Il avoit su, comme on l’a expliqué, persuader au roi et au gros du monde toutes les horreurs sur M. le duc d’Orléans qui lui étoient les plus utiles ; il s’agissoit maintenant d’en recueillir le fruit.

Ce fruit étoit de profiter des dispositions où il avoit mis le roi pour l’engager par conscience, pour la conservation de l’unique rejeton qui lui succédoit immédiatement, pour le salut du royaume, à énerver le plus qu’il seroit possible la puissance d’un prince rendu si suspect, et qui, par les renonciations, n’avoit entre la couronne et soi que ce rejeton dans la première enfance ; revêtir, à faute de princes du sang d’âge raisonnable, ses bâtards de toute l’autorité soustraite au régent ; de rendre M. du Maine dépositaire et maître absolu de la personne de ce rejeton si précieux ; ne l’environner que des personnes livrées au bâtard ; et de lui donner sur elles, et sur toute la maison civile et militaire, tout pouvoir indépendant du régent.

M. du Maine avoit lieu de se flatter que l’impression prise par ses soins dans la cour, dans Paris, dans les provinces,

  1. Et pourtant.