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aise d’un silence farouche, rarement interrompu par quelques ondulations de murmures sourds et contenus avec violence, et de regards qui tous, sans exception que du seul premier président, qui nageoit aussi dans une indiscrète joie, découvroient à plein l’horreur dont chacun étoit saisi.

Le premier président donna un grand dîner à ces nouveaux successeurs à la couronne, où le maréchal d’Huxelles se surpassa ; force domestiques de ces deux messieurs, quelque magistrature avide du sac, d’Antin, nul autre duc ni autres gens de marque, quelque peu de mortiers, Maisons entre autres qui tint dans la séance une contenance fort grave, fort sérieuse et fort compassée. Le soir, les deux bâtards retournèrent à Marly.

Quelque peu de satisfaction que le roi eût de Mme la duchesse de Berry, quelque fût son éloignement pour elle, et pour M. le duc d’Orléans, dans lequel Mme de Maintenon l’entretenoit avec tant d’art et de soin sur ce prince, tout ce qu’il venoit de faire pour ses bâtards l’engagea à tâcher d’en émousser l’amertume par un traitement dont il pût espérer cet effet. M. [le duc] et Mme la duchesse de Berry avoient fait plus de cinq cent mille livres de dettes depuis leur mariage ; ils avoient fait faire quantité de très beaux meubles, et acheté beaucoup de pierreries quoiqu’ils en eussent déjà beaucoup, mais Mme la duchesse de Berry en étoit insatiable. Le roi lui fit payer pour quatre cent mille livres de dettes ; et comme il n’y avoit point d’enfants, lui donna tous les meubles et toutes les pierreries, même celles que M. le duc de Berry avoit avant son mariage, et celles qu’il avoit eues de feu Monseigneur.

L’électeur de Bavière vint chasser, jouer et souper à Marly, comme il avoit fait plusieurs fois, sans voir le roi qu’à la chasse. Le comte de Peterborough, si échauffé pour le service des alliés contre la France, et qui avoit tant fait de voyages et de personnages, de négociations et de guerres, passa à Paris retournant à Londres de son ambassade de