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amoureux, toute neuve encore, d’une naissance plus que très sortable, et fille de l’homme de son temps à qui le roi a témoigné l’amitié, la distinction, la considération la plus constante et la plus marquée toute sa vie. On a vu que le comte de Toulouse, en tout si heureusement différent de son frère, n’a osé songer à se marier tant que le roi a vécu. On a vu par quels longs et artificieux détours le duc de Vendôme parvint au commandement des armées, avec quelle sécheresse il fut refusé d’y rouler d’égal avec les maréchaux de France, c’est-à-dire de commander à ceux qui étoient ses cadets lieutenants généraux, en obéissant aux autres plus anciens lieutenants généraux que lui. On a vu encore en quels termes le roi répondit au maréchal de Tessé, qui allant en Italie, y rencontreroit le duc de Vendôme, commandant les armées, car il y en avoit deux corps, et qui demandoit les ordres sur sa conduite avec lui, et de quel ton le roi lui dit qu’il ne devoit ni éviter ni balancer de prendre le commandement sur le duc de Vendôme, et de quel air il ajouta qu’il ne falloit pas accoutumer ces petits messieurs-là, ce fut son expression que Tessé m’a rendue à moi et à bien d’autres, à ces sortes de ménagements. Enfin on ne peut avoir oublié la curieuse scène du soir du cabinet du roi, lorsqu’il y déclara le rang qu’il donnoit aux enfants de M. du Maine, à combien peu il tint qu’il ne fût révoqué deux jours après, la réduction ridicule de s’être appuyé de mon compliment aussi simple que forcé, et de l’éclaircissement que Mme la duchesse de Bourgogne m’en fit demander : que de distance en peu d’espace de temps de façons de penser et de faire !

Mais le roi ne pensoit pas autrement en se laissant tout arracher. Après ce grand acte de succession à la couronne déclare, et avant l’enregistrement de l’édit qui suivit de si près, le roi, accablé de ce qu’il venoit de faire, ne sut se contenter, tout maître de lui-même qu’il étoit, de dire en soupirant à M. du Maine, en présence de ce peu de courtisans